Inattaquable
Le 28 décembre 2015
Un road-movie pédestre d’une remarquable justesse, qui évite le pathos et dresse un portrait touchant d’un homme qui souffre trop, mais toujours debout.
- Réalisateur : Jake Gavin
- Acteurs : Peter Mullan, Natalie Gavin, Keith Allen, Sharon Rooney, Sarah Solemani
- Nationalité : Britannique
- Durée : 1h27mn
- Date de sortie : 30 décembre 2015
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Un road-movie pédestre d’une remarquable justesse, qui évite le pathos et dresse un portrait touchant d’un homme qui souffre trop, mais toujours debout.
L’argument : Comme tous les ans à l’approche de Noël, Hector McAdam (Peter Mullan) prend la route entre l’Ecosse et Londres pour retrouver un peu de chaleur dans un refuge qui offre aux sans abris un bon dîner de fête. Depuis qu’il vit dans la rue, Hector a appris à accepter les gens et les choses comme ils viennent : amitié et douceur, déception et cruauté, peine et joie. Sentant que c’est peut-être son dernier voyage, Hector prend des chemins de traverse et tente de se raccrocher à son passé et ce qu’il a laissé derrière lui.
- © Victor Productions Ltd
Notre avis : Le cinéma social outre-manche a toujours eu une place à part dans le cinéma mondial. On lui reconnaît un ton, un réalisme, une légèreté parfois. On lui sait gré, à travers des cinéastes comme Ken Loach ou, plus récemment, Clio Barnard, d’éviter le pathos sans occulter la triste réalité des choses. De Dickens à l’Angleterre de Thatcher, c’est, aussi, un panorama de la misère ordinaire qui fait partie intégrante de l’histoire britannique. La misère des sociétés modernes, celle que l’on croise au coin d’une rue, à égale distance d’un magasin de luxe. Pour son premier film, Jake Gavin ne nous trompe pas sur ses intentions. D’abord parce que son film, narrant les mésaventures d’un SDF qui essaye de rejoindre Londres pour le jour de Noël, est et sera toujours d’actualité. La misère n’a pas de date de péremption. Ensuite parce que si le sujet est inattaquable sur le fond, il est soutenu par un comédien - formidable Peter Mullan - qui a lui aussi connu la pauvreté, en vrai, en dur. L’argument vérité serait irrecevable si l’acteur ne se montrait pas à la hauteur de tous ces abîmés de la vie qu’il représente ici. Justesse donc, d’un film moins aimable qu’on aurait pu le craindre, et qui n’hésite pas à coller aux grolles du héros pour s’approcher au plus près du quotidien souvent morose d’une personne qui n’a rien et a besoin de tout.
- © Victor Productions Ltd
Jake Gavin a en effet l’intelligence de filmer le quotidien de ces sans abris sans artifices. La fantaisie n’a pas sa place. A l’écran, cela se traduit d’abord par un regard dénué d’affects. Nul besoin de souligner. Du quotidien de son héros, le réalisateur filme tout, soit pas grand chose. "Les misères de la vie enseignent l’art du silence", disait Sénèque. Hector, qui connait bien la misère, parle donc peu. Comme un road-movie qui se passerait à pied, Hector marche, beaucoup, par tous les temps, souvent pluvieux, traînant derrière lui sa valise. Avec ses amis de galère, il a pour objectif de passer les fêtes dans un centre d’hébergement londonien. Mais au royaume des pauvres, nul ne sait de quoi demain sera fait. D’où une succession de rencontres plus ou moins heureuses et de galères plus ou moins difficiles à encaisser. Lorsque le héros décide de reprendre contact avec sa famille, il faut passer, intelligence du scénario, par de nombreux atermoiements. Car Hector a trois familles. Celle de la rue, qui galère comme lui et qui le soutient parce qu’il n’y a plus que ça à faire. Il y a la famille qu’il a perdu aussi, dans un accident. Et puis, il y a celle qu’il a fui. Un frère, une soeur. Leurs retrouvailles offrent au film ses plus belles scènes. Des retrouvailles qui se font parfois dans la douleur, souvent dans l’incompréhension. Comme ce frère bienveillant qui ne comprend pas pourquoi Hector préfère passer les fêtes dans un foyer plutôt que dans sa famille. Ou cette sœur qui lui en veut, beaucoup. Qui a du mal, d’abord, à lui ouvrir les bras.
- © Victor Productions Ltd
Et puis il y a nous. Nous, le spectateur, habilement projeté sur l’écran à travers des personnages secondaires dont on se demande parfois si l’on ne serait pas comme eux. Il y a ce beau-frère, qui n’aime pas beaucoup Hector, et qui l’empêche de reprendre contact avec sa soeur. Un personnage que l’on pourrait facilement détester s’il ne nous renvoyait pas à notre propre image. Il y a cette serveuse aussi, qui offre un repas à Hector, et qui finit par l’éjecter de son café pour un vol qu’il n’a pas commis. Que les préjugés - et les gens - aient la dent dure n’est pas nouveau. Jake Gavin le dit pourtant avec beaucoup de subtilité, dans une peinture de la misère moderne qu’il serait salutaire de soutenir dans les salles. C’est son sujet, qu’il tient du début à la fin. On lui sait gré d’en parler aussi bien.
- © Victor Productions Ltd
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