Lucy au pays des merveilles
Le 22 novembre 2018
Une petite merveille qui, à la croisée de tous les genres cinématographiques, nous parle, sans en avoir l’air, de rumeur, d’identité et d’intégration.
- Réalisateur : Govinda Van Maele
- Acteurs : Frederick Lau, Vicky Krieps, Marco Lorenzini
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Allemand, Belge, Luxembourgeois
- Distributeur : Next Film Distribution
- Durée : 1h47mn
- Date de sortie : 28 novembre 2018
- Festival : Premiers Plans d’Anger 2018
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Résumé : Au début de l’été, Jens trouve refuge dans un village luxembourgeois. Il s’acclimate et s’intègre non sans mal à la petite communauté et se rapproche rapidement de Lucy, la fille du maire. Qui de Jens ou des habitants de ce paisible village a le plus à craindre et à cacher ?
Notre avis : Sorti de nulle part, Jens (Frederick Lau) débarque dans un village bucolique planté au cœur de la campagne luxembourgeoise. Il est allemand (ça suffit pour en faire un étranger), a des cheveux longs mal coiffés et n’a pour tout bagage qu’un gros sac. Il n’en faut pas plus pour inciter les fermiers du coin à ne pas lui fournir le travail qu’il recherche. Pourtant, il suffira qu’il se laisse apprivoiser par Lucy (la rayonnante Vicky Krieps remarquée dans Phantom Treads de Paul Thomas Anderson), une jeune veuve délurée, pour qu’instantanément sa situation s’améliore. Le maire, un homme chaleureux (Marco Lorenzini) qui n’est autre que le père de la jeune femme qu’il vient de rencontrer lui obtient un travail mieux rémunéré que celui des autres ouvriers, lui fournit un logement et l’incite fermement à intégrer la chorale de la communauté, même s’il n’a jamais joué d’aucun instrument.
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Jens s’adapte gentiment à cette vie somme toute agréable d’autant que la belle Lucy lui a accordé son cœur et son corps mais il se demande quand même à quoi tient cette obstination à vouloir l’intégrer à tout prix. S’agit-il tout simplement de l’extrême générosité d’un père heureux de voir sa fille retrouver goût à la vie grâce à lui ou ne serait-il pas l’homme providentiel, tombé juste à point pour endosser la responsabilité de quelques forfaits inavouables ? Car son sac plein de billets, sa rencontre avec deux individus peu avenants suivie de l’arrivée des gendarmes au café du village confirment bien qu’il traîne un passé trouble qui pourrait faire de lui le coupable idéal. Car du côté du village, le mystère s’épaissit. Quel secret recèle cette maison abandonnée étroitement surveillée ? Que signifient ces photos érotiques mettant en scène des habitantes du coin retrouvées dans la caravane de Jens ? Quel est le but de ces punitions d’un autre âge infligées aux enfants dissipés ? Qui est ce villageois dont on est sans nouvelles depuis des années ? Cet endroit aux allures de paradis cacherait-il l’enfer ?
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Après trois courts-métrages remarqués entre documentaire et fiction, le réalisateur luxembourgeois Govinda Van Maele poursuit, à travers ce premier long-métrage, son approche entre le réel et le fantastique. Ce qui commence comme une gentille chronique sociale à tendance rurale agrémentée d’une petite bluette s’achemine sans que l’on n’y prenne garde vers un thriller fantastique. Au début, le rythme intentionnellement lent installe le spectateur dans un décor dont la sérénité est renforcée par la beauté de ces larges plans de champs aux couleurs chaudes s’étendant à perte de vue. Puis, au fur et à mesure des événements, la tension se resserre autour de ce lieu dont il devient impossible de s’échapper malgré les grands espaces qui l’entourent. Une mise en scène subtilement angoissante parsemée d’indices surréalistes amène crescendo un climat de terreur feutrée qui atteint son paroxysme lors d’une inoubliable scène de lutte entre notre présumé coupable et un titanesque engin agricole pour finalement changer habilement de style au dernier moment, ménageant ainsi au spectateur de beaux moments de suspense.
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Enfin, après nous avoir bousculé entre romance et thriller rural, le voyage au « bon pays » (traduction littérale de Gutland) se teinte d’une note politique en laissant poindre en arrière-fond la métaphore d’une Europe qui, confrontée à une profonde crise identitaire, ne cesse de s’interroger sur sa capacité à s’enrichir de la culture de populations venues d’ailleurs ou sur son désir d’assimiler ou même de rejeter l’étranger afin de conserver sa propre identité. Une bien belle surprise portée par le regard sensible d’un jeune réalisateur au talent prometteur, la justesse de jeu des comédiens et la beauté de la photographie.
© 2018 Next Film Distribution. Tous droits réservés.
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