Le 2 janvier 2022
Goodbye Mister Wong est une sorte d’ode durassienne dans un Laos iconoclaste et romantique, où les rapports de force amoureux s’intercèdent à travers des enjeux économiques et politiques.


- Réalisateur : Kiyé-Simon Luang
- Acteurs : Marc Barbé, Nathalie Richard, Nini Phonesavanh Vilivong, Soulasath Saul
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français, Laotien
- Distributeur : Shellac
- Durée : 1h40mn
- Date de sortie : 29 décembre 2021

L'a vu
Veut le voir
Résumé : Au bord du lac Nam Ngum, au nord du Laos, les destins croisés de France, une jeune femme convoitée par deux hommes venant de deux mondes très différents, et de Hugo un français à la recherche de la femme qui l’a quitté un an plus tôt.
Critique : Les univers s’opposent de manière frontale dans ce petit bout du monde, le nord du Laos exactement, pays réputé d’ailleurs comme l’un des plus pauvres au monde. Il y a d’abord l’homme d’affaires chinois, qui ambitionne d’envahir de ses bateaux touristiques, cette parcelle d’eau et de lumière ; il y a ce couple occidental qui peine à se retrouver et s’aimer de nouveau, après un an de séparation à des milliers de kilomètres ; mais il y a surtout la famille de France qui possède une barque de bois bleu et tente de survivre face à la mondialisation capitaliste. France est belle, fière et déterminée, face aux tentations de l’Occident ou celles du dollar. Elle est toute entière occupée à faire vivre sa famille, dans un environnement encore préservé de l’économie mondialisée.
- Copyright Shellac Distribution
Goodbye Mister Wong est un pied de nez évident à la Chine impérialiste. En ce sens, il s’agit d’un film politique. Certes, la production est française et laotienne. Mais il est surtout question de la préservation de l’intégrité territoriale et traditionnelle d’un morceau invisible de l’Asie, sujet à toutes les convoitises. Le désir s’immisce dans le récit à travers le personnage féminin central. Elle illumine l’écran, dans une succession d’images toutes aussi belles les unes que les autres. Pour autant, le long-métrage échappe au risque de la carte postale. Il adopte sans aucune équivoque le formalisme soigné d’une certaine Nouvelle Vague en France. On y perçoit la trace de Marguerite Duras à travers l’imprégnation aqueuse de la narration, ou encore la douceur d’un dialogue à la Éric Rohmer ou François Truffaut. Mais véritablement, derrière ces paysages feutrés et magiques, se tapit l’ombre d’un film laotien qui espère donner à son pays les ailes qu’il mérite.
- Copyright Shellac Distribution
On peut voir dans ce premier long-métrage sorti en France des maladresses ou hésitations. Mais la narration assume parfaitement un rythme et une écriture pétris de sensualité et de profondeur. Le lac est très présent, comme s’il s’agissait d’un personnage à part entière. On entend son souffle d’un bout à l’autre du film, quand le réalisateur ne se plaît pas à décrire le glissement des bateaux sur la surface de l’eau. Le spectateur doit se laisser emporter par la lenteur, la sérénité de la photographie, tout en n’ignorant pas la force politique du propos. Goodbye Mister Wong s’érige alors en un plaidoyer puissant pour le droit à un pays comme le Laos à renoncer au capitalisme effréné et choisir comme la voix de son émancipation, la nature et le respect des traditions.
- Copyright Shellac Distribution
Kiyé-Simon Luang écrit pour le cinéma depuis longtemps. Son œuvre est restée confidentielle sur nos écrans. Goodbye Mister Wong répare l’injustice d’un cinéaste laotien qui gagne à être connu.