Le 26 mars 2019
Les corps en mouvement se cognent aux « corps » de pierre. Les attrape-cœurs ont l’esprit léger et volatile des « Don Juan ». Des filles au grand cœur dansent devant des garçons qui n’écoutent que leurs pulsions. Un film sensible et rafraîchissant malgré quelques faiblesses du scénario.


- Réalisateur : Philippe Lesage
- Acteurs : Édouard Tremblay-Grenier, Pier-Luc Funk, Noée Abita, Théodore Pellerin
- Genre : Drame
- Distributeur : Shellac
- Durée : 02h11mn
- Date de sortie : 10 avril 2019
- Festival : Festival de Locarno 2018, Festival de Namur 2018, Festival du Nouveau Cinéma de Montréal 2018

L'a vu
Veut le voir
Résumé : La naissance des premières amours ébranle trois adolescents dans le tumulte de leur jeunesse. Alors que Guillaume tombe secrètement amoureux de son meilleur ami, sa demi-sœur Charlotte quitte son petit ami pour s’essayer à des rencontres plus libres. A la genèse de ces histoires, dans un camp de vacances, le jeune Félix connait son premier émoi…
Notre avis Ce beau film s’inscrit dans une filiation cinématographique qui réinvente continuellement la forme de son genre, que d’aucuns appellent vaguement le jeune cinéma. Certains clins d’œil sautent aux yeux : Zéro de conduite de Jean Vigo, par exemple, est cité. Il situe ce film dans un hymne à la liberté de l’enfance qui n’a rien de nouveau. Plus proche de nous, on pense également à Ken Park de Larry Clark et Edward Lachman, référence d’autant plus évidente que les parents de ces adolescents en pleine crise brillent par leur défaillance ou leur absence. Le rapprochement avec Le Cercle des poètes disparus de Peter Weir voire même à la vidéo virale de A l’école dans la série Têtes à claques est également permis. Pièce de choix dans le puzzle : le film rend aussi un hommage appuyé à J.D. Salinger, lectures nocturnes autour desquelles se nouent des "amitiés particulières" dans les dortoirs et qui contiennent en germe le refus de toute transigeance devant l’intolérance.
- Shellac - Genèse
Ces impressions de déjà-vu n’empêchent pas la fraîcheur. Le personnage de Guillaume (interprété par Théodore Pellerin), tout en espièglerie et en ambivalence, nous inspire à la fois attirance et agacement. Dès la scène d’ouverture, le fait qu’il soit au centre de la classe, le point de gravité de tous les regards et qu’il en joue en exhibant son corps dansant, en fait d’emblée une sorte de ligne de crête de l’adolescence. N’en déplaise aux aficionados de la Nouvelle Vague il y a aussi un peu des Tricheurs de Marcel Carné dans cette course en avant des sentiments, une course-poursuite dans laquelle Charlotte (Noée Abita) se perd un peu, manque de repères, se laisse tomber…
- Shellac - Genèse
Sans doute est-ce cela qui explique le titre : nous sommes sur cette ligne de crête de l’adolescence et de manière allégorique d’une humanité qui perd sa pureté originelle. Le film est un flash-back. La première partie représente l’humanité après la chute. La seconde est le temps de l’innocence, d’un Adam gauche et intimidé (un Félix interprété par Edouard Tremblay-Grenier), de bonnes mœurs et empêché, qui ne sait pas se rapprocher de sa nouvelle Eve (Emilie Bierre) autrement que par écrit ou par chanson. Le cinéma québécois se débat ici avec ses fantômes. On se souviendra du poids du clergé dans ce pays dont les Russes avaient dit qu’il était celui des ennemis du cinéma (du titre du livre d’André Gaudreault, de Germain Lacasse, de Jean-Pierre Sirois-Trahan).
- Shellac - Genèse