Et au milieu coule le Mékong
Le 13 juin 2020
Esthétiquement et émotionnellement puissant, Funan est un film d’animation profondément humaniste, en ce sens qu’il place cinématographiquement les personnages au centre de son récit.
- Réalisateur : Denis Do
- Acteurs : Louis Garrel, Bérénice Bejo
- Genre : Drame, Animation
- Nationalité : Français, Belge, Luxembourgeois, Cambodgien
- Distributeur : Bac Films
- Durée : 1h22mn
- Date télé : 3 janvier 2022 23:10
- Chaîne : TV5MONDE
- Date de sortie : 6 mars 2019
- Festival : Festival d’Annecy 2018
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Résumé : 1975. La survie et le combat de Chou, une jeune mère cambodgienne, durant la révolution Khmère rouge, pour retrouver son fils de 4 ans, arraché aux siens par le régime.
Critique : Funan, c’est le nom donné à un ancien royaume localisé sur les actuelles terres cambodgiennes entre le Ier et le VIIème siècle. Dès le titre, la nostalgie des temps anciens, de la paix et de la sérénité, semble planer au-dessus du premier long-métrage de Denis Do, narrant avec force et rage les ravages de la dictature totalitaire des Khmers rouges. Quatre années durant, ces illuminés d’extrême gauche, farouchement opposés à l’Occident, firent régner la terreur sur le Cambodge, assassinant près de deux millions de civils.
Funan, c’est l’histoire d’une famille séparée par les armes, qui, avec courage et détermination, ne recule devant aucun risque afin d’être à nouveau réunie.
- © LES FILMS D’ICI
Le décor est idyllique : une forêt abondante, des marécages, des rizières, le lit du Mékong ; une nature luxuriante à quoi le graphisme de Michael Crouzat, directeur artistique du film, donne des allures mystiques, de jour comme de nuit. Beauté sauvage qui contraste avec la violence de l’action, les menaces, le travail forcé et les coups de feu. Au cœur de Funan est un peuple opprimé mais divisé face à l’autocratie Khmer rouge : de jeunes téméraires appellent à la résistance, les plus âgés se montrent dociles sans être pour autant résignés ; certaines femmes, fustigées par d’autres, se laissent aller au pouvoir de la séduction pour obtenir les faveurs des militaires. Le réalisme visuel et historique, l’animation fragmentée, rappellent la filmographie intellectuelle et onirique du regretté Isao Takahata (notamment son chef-d’œuvre : Le tombeau des lucioles). En ces temps sombres, ce sont bien les hommes, les femmes, les enfants et les rapports humains qui sont au cœur du film.
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Ce qui frappe, par ailleurs, c’est l’engouement avec lequel le réalisateur saisit en gros plans les visages et, de fait, les émotions des personnages. C’est ce que Gilles Deleuze appelle, dans son essai L’image-mouvement, l’image-affection : « L’image-affection c’est le gros plan et le gros plan c’est le visage. », écrit-il.
Ainsi, tout au long de l’œuvre, Denis Do explore les processus de visagéification – apposant sur le champ des visages qui, souvent, débordent du cadre –, et de visagéité – saisissant au vol, dans des fragments d’images, des éléments des visages : nez, œil, bouche. Cet exercice, complexe et précis, permet au cinéaste de concentrer les expressions, émotions et sentiments des protagonistes : dans leurs regards attristés ou enragés, leurs lèvres qui se pincent, leurs larmes qui coulent, se lisent la colère et l’affliction, mais aussi l’espoir pour Chou, l’héroïne, et son mari, de retrouver leur fils Sovanh qui, de son côté, vit ses premières amours, comme une échappatoire à ses bourreaux en uniforme.
Quand les extrémistes font les génocides, les petits ruisseaux de la désobéissance font les grandes rivières de l’espérance et de la réconciliation.
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