Frères de sang - La critique

La guerre filmée avec une complaisance maladive et un mépris souverain du spectateur.

L’argument ; Séoul, Corée du Sud, au début des années 50. Deux frères sont enrôlés de force et rejoignent une armée du Sud, mal équipée, mal nourrie, mal organisée, harcelée jour et nuit par un ennemi supérieur en nombre et en force...

Notre avis : Kang Je-gyu doit sans doute beaucoup aimer les méga-fresques où des personnages de presque rien croisent la grande histoire, si possible sanguinolente. Sauf que le réalisateur, à qui on doit notamment Shiri, est un sous-John Woo qui, sur plus de deux heures de bobine, s’ingénie à faire du sous-Soldat Ryan en ne ménageant pas les excès. La démarche évoque Battle royale 2 dont la nullité crasse noyait le spectateur dans une profonde perplexité. Et on n’y échappe pas. Si dans Shiri, on pouvait déjà discuter la pertinence du fond qui vomissait sur la Corée du Nord, dans Frères de sang, le cinéaste brouille les pistes, fait mine de rester objectif face aux événements et met en scène avec la grâce d’un hippopotame. Il suffit de voir le ralenti sur un cadavre balancé dans une fosse pour comprendre l’absence de point de vue cinématographique. C’est du chantage à l’émotion pur et simple qui peut révolter tant cela s’apparente à de la malhonnêteté intellectuelle.
On pourrait parler de carnage pelliculé et belliciste mais même ce qui pourrait sembler sauver le film se retourne contre lui. La description du chaos délétère de la guerre est retranscrit comme une admirable boucherie, certes, mais filmée avec une complaisance maladive comme si le cinéaste faisait de la guerre un show avec un mépris souverain pour l’intelligence du spectateur. On a connu des films qui stigmatisaient l’horreur de la guerre sans abuser de l’hémoglobine ni infliger un scénario aux rebondissements ineptes.

Le DVD


Le(s) supplément(s) à ne pas rater : Grosse déception avec les bonus de cette édition collector. Sur le deuxième disque se bagarrent L’aventure du tournage (quarante-cinq minutes), Le défi technique (dix-huit minutes) et Témoignages de l’équipe (dix-sept minutes). Autant être honnête, aucun n’est vraiment renversant. Le premier, long making of, collectionne les images de tournage, chapitrées selon les scènes-clés du film, sans explications et avec très peu d’interventions des principaux intéressés ; force est de constater que l’on décroche rapidement en raison de l’absence d’informations. Le deuxième revient sur les difficultés rencontrées par la production pour mettre en boîte les scènes de guerre (plus intéressant). Le dernier enfin regroupe tous les avis des personnes impliquées dans le tournage (spécialement les acteurs). A l’image du making of qui additionne sans réflexion les coulisses de Frères de sang, ce module fait de même avec les interviews au risque de devenir rébarbatif. Pourquoi ne pas avoir mixé les deux pour un résultat plus probant, cela reste un mystère...

Image & son : Impeccable tant au niveau de l’image que du son. Grâce à un excellent master, cette édition collector offre un dynamisme, surtout pendant les scènes de combat, qui laisse sur le carreau. La définition est extrêmement précise et rend justice à la "beauté" des explosions de terre. En revanche, cette qualité renforce évidemment la pauvreté des effets numériques utilisés sur les avions de chasse ; leur intégration dans la scène finale est toujours aussi calamiteuse. Le son, comme on peut l’imaginer, réduira à néant vos bonnes relations de voisinage. C’est proprement dévastateur et plonge de manière ultra-réaliste le spectateur au cœur du chaos.