Des choix pardonnables ?
Le 8 janvier 2019
Tout ce que le film dit de la haine ségrégationniste et du Pardon suggéré par le titre est contenu dans un face-à-face qui ne constitue qu’une part infime d’un scénario desservi par sa durée.
- Réalisateur : Roland Joffé
- Acteurs : Forest Whitaker, Eric Bana , Pamela Nomvete, Robert Hobbs , David Butler, Jeff Gum
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Américain, Britannique, Sud-africain
- Distributeur : Saje Distribution
- Durée : 1h55mn
- Date télé : 28 juillet 2023 20:58
- Chaîne : Canal+ Cinéma
- Titre original : The Forgiven
- Date de sortie : 9 janvier 2019
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Résumé : En 1994, à la fin de l’apartheid, Nelson Mandela nomme L’archevêque Desmond Tutu président de la commission Vérité et réconciliation : aveux contre rédemption. Il se heurte le plus souvent au silence d’anciens tortionnaires. Jusqu’au jour où il est mis à l’épreuve par Piet Blomfield, un assassin condamné à perpétuité. Desmond Tutu se bat alors pour retenir un pays qui menace de se déchirer une nouvelle fois …
Critique : Rassurez-vous si vous n’avez pas lu le synopsis et ne savez pas où vous mettez les pieds, Roland Joffé a pensé à vous et a placé, en ouverture de son nouveau film, un carton qui nous rappelle le contexte historique dans lequel celui-ci s’inscrit. Peut-être il y a-t-il encore, 25 ans plus tard, des spectateurs qui ne savent rien de la période délicate qu’ont été les premières années de la présidence Mandela dans un pays qui sortait à peine de plusieurs décennies de « développement séparé ». Pour ceux-là, Joffé aurait sans doute gagné à utiliser son scénario pour développer cette contextualisation et introduire le personnage de Desmond Tutu. Au lieu de ça, la diégèse ne nous fournit en fin de compte que très peu d’informations supplémentaires sur cet archevêque propulsé à un poste-clef de la politique post-apartheid. A travers un flashback émouvant, qui ouvre le long-métrage puis reviendra à plusieurs reprises, c’est sur l’autre personnage présent sur l’affiche, le tueur Piet Blomfield (« Blommie » pour les intimes), que le film veut nous en faire savoir davantage. Mais, on pourrait tout à fait résumer l’ensemble à la rédemption de Blomfield mise en parallèle avec la remise en question de Tutu.
- Copyright Abac Porduction Limited 2017
Ces deux arcs narratifs, d’ordre purement moraux, convergent inévitablement lors des scènes de dialogues entre les deux personnages, incarnés par Forest Whitaker et Eric Bana. Or, ces échanges, au cours desquels la tension atteint son paroxysme et où les deux acteurs font preuve de tout leur talent, ne représentent pas plus de deux petites dizaines de minutes. Soit très peu sur l’ensemble, qui compense son intensité bien moindre dès lors que les deux protagonistes sont séparés, par, au mieux, quelques passages purement introspectifs, ou, d’un côté, une enquête policière assez superficielle ou, de l’autre, un peu de violence carcérale qui frôle la caricature. De quoi nous faire regretter que Joffé n’ait pas opté pour une structure construite entièrement sur le dialogue entre Blommie et Tutu, dans l’esprit de Garde à vue de Claude Miller. Ainsi, en nous faisant suivre ce qui entoure les deux conversations sans réussir à bâtir d’autres enjeux que de savoir lequel des deux hommes sera le premier à craquer lors leur prochaine rencontre, Joffé ne parvient à répondre à la délicate question du caractère pardonnable ou non de certains crimes. Le twist final en arrive même à confondre le Pardon, au sens le plus biblique du terme, et la peine de mort.
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On est donc bien loin des deux œuvres majeures du réalisateur, que furent Mission (1986) et La Cité de la joie (1992) qui parvenaient à nous offrir, malgré leurs défauts respectifs, un dépaysement dans de beaux paysages exotiques couplé à une étude approfondie de leurs personnages aussi charismatiques que tourmentés. Dans Forgiven, le cinéaste franco-britannique, désormais âgé de 73 ans, ne consacre que peu de scènes (hormis le flashback du début) aux beaux paysages que lui offre la région, et au potentiel de ses interprètes, qui se partagent de courtes saynètes pauvres en empathie, pour rendre tangibles les doutes qui traversent leurs personnages.
On n’en retiendra donc au final uniquement les deux scènes de confrontation par le dialogue, interprétées avec une réelle intensité émotionnelle et où sont condensées les difficultés de revenir sur plusieurs siècles de haine xénophobe, mais filmées dans un banal champ-contrechamp. La fadeur dont fait preuve le réalisateur malgré son sujet potentiellement explosif peut donc nous permettre d’affirmer qu’il a échoué son come back dans le genre de la fresque historique, qui avait pourtant autrefois fait sa gloire.
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