For this is my body - la critique du film

Notre avis : Une passion née d’une admiration à la limite de la dévotion, des sentiments obscurs, des fantasmes inavouables, des rêves de gloire, des doutes pouvant conduire jusqu’à la mort... Voilà bien de quoi composer la trame d’une histoire d’amour impossible au spleen digne des romantiques du XIXe siècle. La réalisatrice Paule Muret veut en faire un récit contemporain. Elle a déjà goûté au bonheur de faire tourner l’un de nos plus fameux rocker (Alain Bashung dans Rien que des mensonges), elle transpose son film dans l’univers déjanté du rock’ n’roll.

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Dans la demi-pénombre d’une chambre d’hôtel, un homme jeune, seulement vêtu d’un pantalon de cuir dont la ceinture pend négligemment peine à se mettre debout. Il titube jusqu’aux toilettes. Au sol trainent quelques bouteilles et les traces d’une poudre blanche. Le chanteur du groupe The Libertines, Carl Barât, au visage émacié et hagard, encadré de cheveux qui lui tombent dans les yeux, endosse parfaitement le costume du chanteur abandonné. La caméra nous offre alors un plan large de la pièce et l’on découvre la présence d’une jeune femme, immobile et muette face au spectacle qui se déroule sous ses yeux. L’homme semble l’avoir oubliée. Il est peu avenant, à la limite de la brutalité. Les dialogues sont succincts, il ne se passe pas grand-chose. La lumière est sombre, l’ambiance pesante. Ces vingt premières minutes dans ce huit-clos sont étouffantes au point que l’on souhaite pouvoir retrouver l’air libre au plus vite. Mais notre héros épuisé d’avoir été trop adulé, trop jeté en pâture à une foule en délire, est déconnecté de la réalité. Égocentrique et paranoïaque, il redoute plus que tout de devoir affronter le monde extérieur. D’ailleurs il n’a ni vêtements, ni papier, ni argent « ce sont eux qui se chargent de tout » dira t-il en parlant de son staff, symbolisé par un Thibault de Montalembert, plus vrai que nature dans le rôle du manager mi-bougon, mi-protecteur, le visage barbu et chiffonné, les yeux éternellement cachés derrière des lunettes noires.

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Finalement, ce couple mal assorti, uni dans sa solitude réciproque, lui vidé par sa célébrité, elle toujours pleine de ce désir intense de l’aider, nous entraîne dans un périple urbain salutaire à travers Paris. Au Jardin des Plantes, enfin la lumière se fait plus chaude. Rassuré par la présence désormais indispensable de celle qui de simple groupie est devenu son repère, il observe, d’un œil désabusé mais lucide, cette jolie panthère des neiges, victime du même enfermement que lui, tourner en rond dans sa cage. Quelques instants après, L’atmosphère se drape dans un gris minéral. En cause, le changement d’humeur de notre idole. Devant l’Institut du Monde Arabe, il doit user de ruses pour échapper aux assauts de ses fans et se réfugie sur la terrasse, délaissant sans aucun remords son « amie/groupie ». Le temps d’un verre, il n’a plus besoin d’elle, puisqu’il profite à cet instant du soutien de la grande Fanny Ardant.
Ce film peu expansif aux sentiments juste suggérés par d’habiles changements d’ambiances pourra en rebuter certains par sa lenteur. Il laisse pourtant la part belle à ce duo d’acteurs impeccable. Ceux qui ont approché l’univers d’une rock star s’y reconnaitront et ne pourront que confirmer la phrase de Mme de Staël : « la gloire est le deuil éclatant du bonheur ».