Fleabag, saison 1 - la critique de la série

Notre avis : Pour ceux qui n’aiment pas l’humour noir anglais féministe, ne lisez pas plus loin, cette série n’est pas pour vous. Pour les autres, bienvenu.e.s dans l’univers formidable de Phoebe Waller-Bridge.
Pour ceux qui ne la connaîtraient pas encore, Phoebe Waller-Bridge est la scénariste de la série Killing Eve de la BBC, pas encore disponible en France, qui a reçu de multiples récompenses aux derniers Emmy, et participe à l’écriture du prochain James Bond. Malicieuse, Phoebe Waller Bridge fait partie de cette génération d’artistes qui acceptent de filmer les femmes comme elles sont, dans toutes leurs aspérités, telles Tina Fey ou Lena Dunham. Loin des clichés, elle mélange dérision et drame avec une belle subtilité.
Revenons à Fleabag. La série s’ouvre sur le personnage de Phoebe, Fleabag, de profil qui attend devant sa porte, comme si elle s’apprêtait à sortir. Elle tourne la tête et s’adresse directement à nous dans un monologue, tel un aparté, totalement surprenant. En l’espace de ces premiers instants, le ton est donné, et ça va être déjanté ! Où va-t-elle nous emmener ? La réponse est loin. Très loin.
Profond, mêlant humour très noir, sexe, drame et romantisme, Fleabag joue sur plusieurs tableaux et nous emporte sans se poser de question. On se reconnaît dans cette jeune femme un peu loseuse, avec un bagou de rêve. A la fois maladroite et sûre d’elle, Fleabag est un personnage charismatique complexe, au mal-être touchant et d’une sympathie confondante. L’humour incongru et cathartique de la série, ainsi que le comique de situation, nous font rire aux éclats. La dimension dramatique de l’histoire nous procure des sanglots dans la gorge. On se perd. Doit-on rire ou pleurer ? Alors, on s’adonne un peu aux deux, en même temps ou en alternance, tour à tour amusés et émus de voir l’héroïne se démener dans son univers.
Le style de la série entre pour beaucoup dans l’intérêt que l’on lui peut porter. Avec une cadence soutenue, les discours et regards en coin de la comédienne pour la caméra nous accrochent. On devient ses confidents, suivant la moindre de ses pensées. Elle ne nous cache rien de ses désirs et de ses répulsions. Malgré notre omniprésence, elle parvient tout de même à créer autour de son personnage une grande part de mystère qu’elle nous dévoile doucement, à son rythme.
On ne peut pas trop souligner le génie scénaristique de Phoebe Waller-Bridge. Les dialogues sont percutants. Ils oscillent entre légèreté et extrême gravité, divulguant petit à petit les différents fils de l’intrigue.
Tous les personnages de la série sont d’une justesse époustouflante. Fleabag elle-même est une parfaite combinaison entre une figure d’héroïne et d’anti-héroïne. Entre sa famille dysfonctionnelle, ses amours ratées et ses amants parfois pathétiques, parfois à tomber, la série nous dépeint un microcosme complexe et sensible, d’une familiarité déconcertante. Phoebe Waller-Bridge nous incite à l’empathie envers des personnalités totalement déséquilibrées et en même temps, tellement ordinaires. Il n’y a pas de méchant. Tous ont un trait de caractère qui les rend séduisants. Le monde n’est ni blanc, ni noir, ni gris. Il est composé d’une quantité innombrable de couleurs.
Bref, Fleabag, c’est l’histoire d’une meuf, comme nous, névrosée, mais au grand jour, et ça fait du bien. Que PWB se rassure, on est beaucoup de « mauvaises féministes » dans ce monde, et grâce à elle on le vit beaucoup mieux.