Le 9 juin 2020
Une vision tragique de la famille, de la sexualité et plus généralement de la condition des femmes en Belgique, mais sans doute à l’excès.
- Réalisateurs : Frédéric Fonteyne - Anne Paulicevich
- Acteurs : Nicolas Cazalé, Sergi López, Sara Forestier, Noémie Lvovsky, Jonas Bloquet, Annabelle Lengronne
- Genre : Drame social
- Nationalité : Français
- Distributeur : KMBO
- Durée : 1h31mn
- Date de sortie : 22 juin 2020
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Résumé : Axelle, Dominique et Conso partagent un secret. Elles mènent une double vie. Elles se retrouvent tous les matins sur le parking de la cité pour prendre la route et aller travailler de l’autre côté de la frontière. Là, elles deviennent Athéna, Circé et Héra dans une maison close. Filles de joie, héroïnes du quotidien, chacune se bat pour sa famille, pour garder sa dignité. Mais quand la vie de l’une est en danger, elles s’unissent pour faire face à l’adversité.
Critique : Filles de joie est à raison un titre très trompeur. Car le bonheur, la légèreté de la vie ne sont pas le fort de ces trois femmes, Axelle, Dominique et Conso. Elles habitent à Bruxelles, dans une cité HLM pour deux d’entre elles, ou dans un pavillon pour la plus âgée. Elles incarnent le combat féminin de milliers de familles pour apporter à leurs enfants, et parfois à leur mari, un confort financier minimal. En réalité, elles se prostituent dans une sorte de demeure bourgeoise, aménagée en un bar et des chambres, et tenue par une patronne, pas méchante, mais qui ne fait pas dans l’empathie. Elles s’habillent dans des tenues affriolantes et s’adonnent au plus vieux métier du monde, avec une sorte de joie douteuse, comme si le fait de donner son corps contre de l’argent et de réduire leur personnalité à des attitudes provocantes les satisfaisaient. On devine bien que cette apparence joyeuse, d’où le titre, cache une détresse sexuelle, sociale et psychologique terrible.
- Copyright Versus production - Les Films du Poisson
Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich se positionnent d’emblée sur la légalisation de la prostitution, telle qu’elle existe dans certains pays européens, en mettant en scène cette sorte de bordel qui est le déversoir épouvantable d’une masculinité en rut, réduite à la sauvagerie de la sexualité. En ce sens, Filles de joie apparaît comme un film politiquement marqué, qui tente de dénoncer l’esclavagisme moderne de femmes de tout âge. Tous les moyens sont bons, à commencer par des dialogues d’une crudité extrême, des scènes de sexe poussées à leur extrémité. Les cinéastes veulent révolter, provoquer, pour que leur combat soit entendu. Ils deviennent les avocats de la condition sociale des femmes et choisissent l’excès, la démesure pour que le spectateur soient convaincus du scandale qui se joue.
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Mais c’est peut-être le défaut majeur du film. La nuance ne constitue pas la qualité essentielle de ce récit. La violence est tellement poussée à son paroxysme qu’un spectateur mal intentionné pourrait y voir une forme de manipulation idéologique. Pour autant, les deux cinéastes confient que ce récit est né de la rencontre avec des femmes réelles subissant ce type de violences, au point que les trois actrices principales se sont elles-mêmes rendues dans un bordel, pour mieux appréhender la réalité tragique des femmes qui se prostituent. Là où certains œuvres d’art n’évitent pas le travers de la misogynie, Filles de joie faillit à l’inverse, à savoir dans une représentation détestable des hommes. Quand ils ne sont pas menteurs ou pervers sexuels, ils sont faibles ou impuissants. Le propos génère une vision de la femme très victimaire, ce qui hélas produit le contraire de l’effet recherché par réalisateurs.
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Indéniablement, Sara Forestier, Noémie Lvovsky et Annabelle Lengronne font la démonstration une nouvelle fois, s’il était utile, de leur grand talent de comédiennes. Pour ainsi dire, leur présence crève l’écran. Elles habitent la démesure de leurs personnages, et rendent crédible un récit qui aurait pu succomber au mélodrame absolu. Sara Forestier est peut-être plus attendue dans ce type de rôle. Ce n’est pas du tout le cas pour Noémie Lvovsky qui joue cette "Maman", tout autant désespérée que combative et qui surprend dans un tel personnage. Annabelle Lengronne endosse le rôle d’une jeune femme facile, avec aisance et vraisemblance. On peut en revanche s’étonner que les acteurs aient accepté de jouer ces hommes assez caricaturaux, tant leur portrait manque de nuance. De toute façon, le défaut du film demeure le manichéisme du point de vue des cinéastes et la réduction de la masculinité à des comportements grotesques. Néanmoins, la question sociale des féminicides et des violences commises contre les femmes constitue un tel sujet de politique publique qu’il paraissait sans doute difficile d’échapper à l’exagération.
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