FIFIB 2015 : Demon - la critique du film

Folklorique et horrifique à la fois, Demon bouscule les codes et met en scène l’histoire d’un homme possédé par un esprit dans la société traditionnelle polonaise.

L’argument : Peter et Zaneta vont se marier dans la vieille maison familiale offerte par le père de la future épouse. Lors de travaux de terrassement dans le jardin, Peter exhume un squelette par accident. Cette découverte le hante jusqu’à la cérémonie, où son comportement devient de plus en plus étrange... Demon invoque une figure du folklore juif, le dybbuk, esprit possesseur, pour faire remonter à la surface les plaies mal cicatrisées de l’histoire polonaise. Du réalisme lumineux au cauchemar éveillé.

Notre avis : Présenté au Festival de Toronto en 2015, Demon ne manque pas de susciter les curiosités avec un synopsis pour le moins original. Bien loin des classiques du genre, tels que L’exorciste, il avait tout du film plaisant sur le papier. Un film d’épouvante sur un arrière-fond réaliste, une intrigue étonnante, du suspense et de la fantaisie, voici à peu près la recette de ce long-métrage. Malheureusement, Demon ne va pas au bout des choses, il ne fait qu’effleurer le cœur du sujet. Dès les premières séquences, le ton est donné, le mariage entre les deux protagonistes se profile en même temps que l’on sent le malaise arriver. Une atmosphère fantastique s’installe timidement (quelques apparitions et très peu d’effets spéciaux). Des événements étranges commencent à se produire et Peter se laisse peu à peu envahir par cet esprit qui prend possession de lui. La montée en puissance est justement dosée, avec beaucoup de sobriété, et se traduit exclusivement par l’évolution de Peter, qui perd le contrôle de lui-même. Pourtant, au milieu du film, l’intrigue s’essouffle et peine à maintenir l’attente. Tout devient lent, le film fait du sur-place, le mariage - qui tourne mal et rappelle celui de Melancholia - s’éternise et la caméra ne cesse de faire des allers-retours entre les invités et le protagoniste, soumis au délire de l’homme possédé.

Si le mariage est passionnant du point de vue de la peinture sociale - arrière-plan folklorique avec des musiques traditionnelles polonaises omniprésentes et ivresse générale des personnages - il demeure néanmoins trop présent dans le déroulement des actions et l’intrigue principale semble passer au second plan. On a l’impression qu’elle est seulement esquissée et jamais approfondie, sombrant dans une sorte de tragi-comédie qui se détourne un peu de l’objet principal. D’un côté, un homme sombre dans la démence, caché dans un sous-sol, et de l’autre, la foule des invités tombe dans l’ivresse la plus totale et se livre à tous les excès. Dans Demon, libre au spectateur de comprendre ce qu’il veut, avec tout ce que cela a de positif et de négatif. Il n’en demeure pas moins que l’image est absolument magnifique et présente notamment de très beaux contrastes dans les séquences nocturnes, avec cette prédominance du blanc dans les scènes à l’intérieur qui dénote face à l’obscurité des scènes à l’extérieur. L’acteur qui incarne Peter est convaincant et possède une vraie "gueule" de cinéma, de même que l’actrice qui interprète Zaneta, un personnage fort et énigmatique. Quelques personnages secondaires apportent aussi un vrai plus au film, tels que le père de Zaneta - absolument grotesque lorsqu’il tente de sauver les apparences à tout prix en faisant boire les invités - ou encore le professeur, seul détenteur de la vérité. Avec un concept et un scénario intéressants, ainsi qu’une esthétique convaincante, Demon pêche malgré tout par la mise en scène et c’est bien dommage !