Fellini : je suis un grand menteur

Dans Fellini : je suis un grand menteur, Damian Pettigrew, auteur de nombreux portraits filmés, nous présente le célèbre cinéaste italien débarrassé des artifices dont il usait face aux journalistes. Plus qu’un entretien, il s’agit d’une méditation qui permet au maestro d’analyser son processus créatif.

Ce film confronte le discours fellinien à sa propre réalité. Entremêlant des images présentant les paysages dont Fellini s’est servi dans ses oeuvres, des témoignages de collaborateurs et des entretiens, ce portrait restitue la magie de l’univers du cinéaste tout en donnant à la création un éclairage psychanalytique. Créer, c’est avoir la possibilité de perdre pour un temps le contrôle de soi-même, plonger dans son inconscient et remonter un matériel nouveau pour en faire une oeuvre. L’artiste peut affronter directement ses pulsions sans être submergé par l’angoisse. Il sait créer un espace pour la contenir qui lui permettra de relâcher ses défenses. Fellini n’explique pas autre chose quand il affirme avoir la possibilité de contrôler ses peurs en les sublimant. Son univers est fait de fantasmes. Un passé déformé par la mémoire, un présent attiré par le futur, deviennent à l’écran une peinture surréaliste où le sens n’est pas toujours à portée de main. Les comédiens, la plupart du temps simples marionnettes dirigées par l’inconscient fellinien, n’y trouvent pas toujours leur compte.

Voilà le mensonge. Quand il réalise un film, Fellini dit être habité par un envahisseur mystérieux qui le dirige. Ainsi il ne recrée pas, au sens proustien, ce qui a été perdu, mais il crée ce qui est, car il possède le pouvoir de le percevoir. Il est dans une continuelle destruction de son univers afin de le reconstruire, lui donnant la réalité de son monde interieur.

Le travail de Fellini est en ce sens l’antithèse de la déstructuration "bressonienne" qui cherche une appropriation de la réalité des personnages par ses modèles. Chez l’Italien il n’y a pas d’échange, l’écran doit être le représentant de sa réalité onirique.

Damian Pettigrew, par un montage intelligent, place Fellini face à ses contradictions. Les paysages que nous découvrons sont les réels ambassadeurs de l’univers du maître. Il les a façonnés tels qu’ils étaient dans sa mémoire. Par eux, sa réalité a pu exister. Les images nous aident à comprendre son discours et laissent entrevoir la source du génial démiurge qu’était Fellini.