Le 7 janvier 2018
Sans révolutionner le genre, Fauda s’impose comme un policier solide, haletant et charnel. Sa dimension politique ne fait pas oublier l’action mais dissimule une réflexion à différents niveaux.
- Acteurs : Shadi Marei, Lior Raz, Hisham Suliman, Laëtitia Eïdo
- Genre : Drame, Action, Thriller, Espionnage
- Nationalité : Israélien
- : Wild Side Video
- Durée : 12 X 35mn environ.
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– Sortie DVD : le 10 janvier 2018
Résumé : L’unité de Mista’arvim de Doron traque un terroriste du Hamas, responsable de plusieurs attentats, du nom de Taufiq Khammed, également connu comme Abu Akhmed ou "La Panthère".
Notre avis : Immense succès en Israël, vendue partout dans le monde, Fauda (chaos en arabe) s’est acquis en peu de temps une solide réputation qui repose beaucoup sur un refus de manichéisme, puisque les deux camps sont représentés de manière humaine, plus complexe en tout cas que de coutume. On y suit une équipe d’intervention jamais nommée, à la poursuite d’un terroriste dont on apprend au début qu’il n’est pas mort, alors que Doron, ex-membre de l’équipe, croyait l’avoir tué. Voilà pour l’arc narratif, une traque épique, compliquée de sous-intrigues et de péripéties diverses qui relancent sans cesse l’intérêt et ponctuée d’images prises par des drones rappelant que la surveillance est permanente.
- © Tender Production
À vrai dire, la série met un peu de temps à s’installer : les premiers épisodes n’évitent pas les clichés (Doron tiraillé entre sa mission et sa vie de famille, blagues salaces dans l’équipe, etc.) et si les séquences d’action sont plutôt bien menées, certaines situations sentent le déjà-vu, comme la fuite d’Abou Akhmed (le terroriste) avec voiture-leurre. Pareillement la psychologie des personnages paraît souvent caricaturale. Mais même dans ces épisodes, le fait que l’action se déroule en décors naturels et la confusion des deux camps intriguent : ils sont bilingues, se ressemblent, se côtoient et, de temps en temps, une vague complicité les unit.
- © Tender Production
Et puis, peu à peu, l’intrigue se densifie : ça commence par l’explosion d’une boîte, filmée dans le reflet d’un casque ; si la violence avait déjà surgi, elle implique pour la première fois l’un des héros et constitue un temps fort dans son engrenage. La suite est implacable. On avait craint un moment que la série ne se réduise à une succession d’opérations qui tournent au fiasco, jusqu’à une dernière triomphante, à la manière d’un Strike Back sérieux. Mais l’implication de plus en plus forte des personnages dans la traque, l’explosion de l’un d’entre eux, le sentiment d’échec comme les conflits qui règnent dans les deux camps (les autorités sont contestées avec vigueur) alourdissent avec bonheur un scénario qui aurait pu être simpliste. Même les fils sentimentaux prennent plus d’épaisseur, et, là encore, en un beau parallélisme, chez les Arabes aussi bien que chez les Juifs. C’est que les certitudes sont ébranlées : la mère palestinienne doit-elle laisser sa fille à Jérusalem où elle sera mieux soignée ? Abou Akhmed est-il ce chef infaillible qui justifie une confiance aveugle ? Les membres de l’unité peuvent-ils aller jusqu’à la torture et le meurtre pour parvenir à leur fin ? Les dilemmes repoussent sans cesse les frontières de situations très codées. Et au fond, la série devient une réflexion sur le mal et ses frontières.
- © Tender Production
On passe alors sur certaines facilités, sur des dialogues convenus, sur une mise en scène devenue banale, avec ses tremblements de caméra dans les scènes d’action et son montage haché ; on passe d’autant plus facilement que des passages magnifiques, comme l’errance de Doron en Palestine, l’appel téléphonique avorté à sa famille, tutoient la grandeur désespérée.
Si la dimension politique est évidente, avec son lot de saletés (manipulations, chantage, tromperies, lâchetés, mensonges d’État), c’est par l’affrontement personnel, obsessionnel, que Fauda retient davantage l’attention : Doron et Abou Akhmed deviennent ennemis intimes, mais au fond, ils peuvent se voir comme les deux faces d’une même personne, des doubles opposés, ce qu’une certaine ressemblance physique souligne ; et leur entretien, au cours de l’épisode 9 accuse encore la similarité en les filmant à l’identique. Un peu à la manière d’une tragédie classique, celui dont la mort est annoncée au début doit mourir, ou plutôt le nécessaire sera fait pour réaliser cette « prophétie ». Et peut-être que, comme le disent les personnages les plus croyants, tout est déjà écrit et que la suite de morts violentes ne sert qu’à provoquer l’inévitable duel qui aura quelque chose de l’autodestruction, et néanmoins la fin parvient à surprendre.. Quand la politique rencontre la pulsion de mort, on est forcément au-delà d’une série policière, même très efficace et que l’on soit ou pas versé dans la géopolitique, on suivra avec passion l’engrenage addictif de Fauda ; les épisodes s’enchaînent sans lassitude et son caractère prévisible s’efface au profit d’une complexité grandissante. Une belle découverte.
- © Tender Production
Les suppléments :
Le making-of entremêle images du tournage, extraits de la série et entretiens : on apprend assez peu (quelques détails sur la genèse et le rapport à la réalité), mais pour les amateurs, c’est une manière de prolonger le plaisir (23mn), d’autant que l’aspect promotionnel, souvent insupportable dans cet exercice, reste discret. À quoi s’ajoute la bande-annonce de la saison 2, très nerveuse … qui donne sacrément envie.
L’image :
Conforme aux canons du genre, la copie est propre, sans excès de finesse et respecte l’esthétique de la série, proche de celle du documentaire.
Le son :
La VF propose des sous-titres pour les dialogues en arabe, alors que la VO distingue par la couleur les deux langues. Dans les deux cas, la piste 2.0 met en avant les voix, et la musique, souvent en fond, est limpide. L’ensemble reste néanmoins un peu plat.
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