Ceci est une histoire vraie
Le 29 avril 2015
Idée pour le moins étrange que d’adapter le Fargo des frères Coen sous forme de série. Le défi est pourtant habilement relevé par ce mystérieux remake en dix épisodes qui s’amuse à brouiller les pistes sur sa propre nature.
- Acteurs : Colin Hanks, Billy Bob Thornton, Martin Freeman, Keith Carradine
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Série télé
- Nationalité : Américain
- : Twentieth Century Fox Home Entertainment
- Durée : 9h
L'a vu
Veut la voir
– Série créée par Noah Hawley
– Sortie DVD & blu-ray : le 1er avril 2015
Résumé : "Lorne Malvo", tueur à gages et manipulateur hors-pair, verse le sang sur son passage. Notamment dans une petite ville du Minnesota, en émoi suite à quelques cadavres laissés ici et là. Très futée, l’adjointe Molly Solverson mène son enquête. Parviendra-t-elle à faire éclater la vérité ?
Idée pour le moins étrange que d’adapter le Fargo des frères Coen sous forme de série. Le défi est pourtant habilement relevé par ce mystérieux remake en dix épisodes qui s’amuse à brouiller les pistes sur sa propre nature.
- © Chris Large / FX
Notre avis : Sorti en 1996, le chef d’œuvre Fargo rencontra un succès critique et public mérité : deux Oscars, un prix de la mise en scène à Cannes et plus de 600.000 entrées en France. Sous ses airs de polar lambda, le film bénéficiait de la patte unique des frères Coen et de l’interprétation géniale de Frances McDormand. Des éléments inimitables qui ne laissaient guère de place à une nouvelle interprétation. Cette adaptation / suite télévisuelle, vaguement bénie par les Coen et chapeautée par Noah Hawley (un nom à retenir), dépasse pourtant toutes les espérances et transcende un concept de base douteux pour devenir une mini-série qui fera date. Le positionnement de ce nouveau Fargo par rapport à l’original est l’un des mystères les plus fascinants du projet. Si l’intrigue prétend être de nouveau basée sur des faits réels (il n’en est rien), elle est à la fois une continuation et un remake distant du film de 1996. Et si une seconde saison a d’ores et déjà été annoncée, cette première saison raconte une histoire complète dont le scénario n’a pas grand chose à envier à son modèle. Le synopsis semble pourtant avoir été conçu par un scénariste amnésique tentant de se remémorer l’original sous l’emprise de l’alcool : tous les éléments sont là mais sévèrement déformés. La policière terre-à-terre mais férocement intelligente, les assassins surréalistes et au milieu de tout cela : un homme au patronyme nordique (Lundegaard dans l’original, Nygaard ici), malheureux dans son mariage et dépassé par les événements, qui s’engonce peu à peu dans un gouffre d’une noirceur abyssale dont il est le seul responsable. Sur cette base commune, l’intrigue virevolte dans différentes directions avant de se révéler être une suite indirecte au film culte.
Multipliant les scènes sanglantes présentées brutalement mais toujours avec un humour glaçant comme chez les Coen, la série dispose d’une ironie délectable contrastée par une galerie de personnages issus de l’Amérique profonde qui transpirent la bonhomie et la gentillesse. Le glissement de Nygaard de la timidité maladive à la cruauté absolue n’a rien de nouveau mais est présenté avec un détachement qui rend le tout fascinant. La série manque peut-être du cran des Coen ou d’un Sam Raimi (Un plan simple, joyau noir similaire également avec Billy Bob Thornton) et hésite à aller jusqu’au bout de cette approche pessimiste pour l’ensemble des personnages dont les plus attachants sont épargnés le nihilisme réservé à d’autres. Mais l’une des plus belles surprises de la série vient justement de son casting superbement juste, qui réussit le miracle de soutenir la comparaison avec celui de l’original. De Keith Carradine à Colin Hanks, en passant par l’excellent duo comique Key & Peele, les seconds rôles sont toujours malicieusement dépeints. Quant à Billy Bob Thornton et Martin Freeman, il dressent des portraits qui sont parmi les meilleurs de leurs illustres carrières. Mais la révélation de cette première saison est sans conteste Allison Tolman, dans le rôle de la jeune policière Molly Solverson, qui transpire la quiétude et la bonté mais révèle un instinct et une intelligence rare. Un excellent personnage dont la présence à elle seule vaut le visionnage de la série.
Ces personnages tantôt cartoonesques et parfois férocement réels, représentent bien l’alternance constante de tonalité de la série : humour, violence, scènes de quotidien, tout est dépeint avec un souci de dramaturgie quasi parfait. Fargo ose même s’aventurer près des frontières du surnaturel, tant le tueur à gages Lorne Malvo (un pseudonyme) semble irréel et violemment sauvage. Une figure qui n’était pas présente dans le film des Coen et qui marquera les esprits. Un monument d’intelligence, de vice et de manipulation, à mi-chemin entre Hannibal Lecter et la figure mystique du Juge Holden dans le chef-d’œuvre Méridien de sang de Cormac McCarthy. Un tueur iconique et profondément mémorable.
Accompagnée par une bande-originale exceptionnelle de Jeff Russo qui reprend à des moment clés les meilleurs leitmotivs du film original (dont le merveilleux thème principal), la production a été soignée sur tous les niveaux. Visuellement splendide, la série multiplie les renvois à Kubrick et bien sûr à l’enneigé Shining via des références évidentes mais jamais pesantes. Quant au symbolisme déployé constamment sur les thèmes de l’infection et de la religion, il créé une ambiance filmique qui fait oublier les origines télévisuelles du projet. Ainsi, le défi de rester à la hauteur d’un des monuments du septième art est relevé dans les grandes largeurs et la série parvient même à trouver sa propre identité pour proposer un polar plus glaçant encore que les lac gelés du Minnesota.
- © 20th Century Fox
LE TEST BLU-RAY
Un coffret blu-ray qui présente l’intégrale de la première saison dans un bel écrin et qui propose des suppléments relativement brefs mais particulièrement pertinents.
Les suppléments :
Des commentaires audio sont proposés sur trois épisodes. Si le duo Billy Bob Thornton et Noah Hawley est un peu monotone, leur dévotion envers l’œuvre des frères Coen apparaît pleinement à leur écoute. Alison Tollman se révèle plus bavarde et livre quelques anecdotes amusantes. 26 minutes de scènes coupées sont également présentées. Si ces dernières permettent de combler quelques trous scénaristiques de la série, leur visionnage révèle la justesse des choix narratifs des créateurs car ces scènes, bien que de qualité, sont parfois trop informatives. Enfin, le morceau de choix est un ensemble de trois vidéos qui proposent près d’une heure de making-of. Particulièrement bien présentés, ces documentaires sont riches en informations. Parmi les anecdotes, il est révélé que cette série n’est pas la première tentative d’adapter Fargo à la télévision et qu’un pilote avait déjà été tourné il y a quelques années avec Edie Falco (Les Sopranos) dans le rôle principal mais que le projet avait été abandonné.
L’image :
Les dix épisodes de cinquante minutes environ sont répartis sur trois disques blu-ray et le transfert est remarquable. Le piqué de l’image est parfait et retranscrit bien le léger grain de la série ainsi que le contraste permanent entre les intérieurs aux couleurs chaudes et le blanc étincelant de la neige omniprésent en extérieurs.
Le son :
La piste anglaise originale est proposée en DTS-HD Master Audio 5.1 et le tout est de grande qualité. À privilégier à la piste française qui est plutôt bien mixée en DTS 5.1 mais qui propose un doublage assez médiocre.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.