Fais ta prière Tom Dooley - la critique + le test DVD

Notre avis : Ted Post a eu une longue vie (1918-2013) et une longue carrière, essentiellement consacrée à la télévision (il a notamment participé à La quatrième dimension ou Columbo). De ses rares longs-métrages on retient surtout les deux Eastwood ( Pendez-les haut et court et Magnum force) ainsi que l’excellent Merdier. Autant dire qu’on est curieux de voir ce petit western, peu connu et fondé sur une idée originale : trois sudistes tuent des ennemis sans savoir que la guerre est finie ; ils deviennent des assassins au lieu de héros.

Malgré son manque de moyens évidents, notamment dans les extérieurs, Fais ta prière … parvient à susciter l’intérêt, et même un peu plus grâce à une efficacité sans faille. En effet, le scénario, très ramassé (le film dure à peine une heure vingt) se concentre sur quelques séquences, alternant les moments émouvants (les retrouvailles, le mariage) et les scènes d’action très sèches. Post réussit par exemple la première bagarre, la situant dans le décor original d’une maison détruite par le feu. Mais c’est en grand nombre que de petites idées irriguent cette histoire linéaire : la sueur sur le visage de Country, le fils du pasteur manchot, la femme truculente qui s’occupe de l’écurie, etc. Tous ces détails densifient le récit et lui donnent une épaisseur bienvenue.

Mais on peut voir aussi le film comme une tragédie : peu de personnages, une action et un temps resserrés, et surtout, la présence dès le début d’un sentiment de fatalité inéluctable. La chanson d’abord, qui promet un sort funeste au héros, et revient souligner des moments forts à la manière d’un chœur antique ; de même l’une des passagères de la diligence promet la pendaison aux trois jeunes hommes. En ce sens, Fais ta prière … est bien le récit d’un échec, celui de personnages qui veulent échapper à leur destin et se débattent dans un univers hostile (on n’est pas loin du film paranoïaque dans lequel tout être est un ennemi potentiel).
Mais, en creux, le film parle aussi de la violence et de sa contamination : le meurtre initial en entraîne forcément d’autres et rien ne peut enrayer cette flambée. Ici Ted Post trouve le ton juste et sait diriger ses jeunes acteurs, dont l’inexpérience et la fraîcheur mêmes servent le propos. On n’est pas encore, certes pas, dans la monstration brutale, et l’on attendra en vain des scènes sanglantes, mais la souffrance et la peur sont parfaitement rendues.

Fais ta prière … n’est pas exempt de défauts : la chanson revient un peu trop souvent, certaines séquences sont filmées un peu platement (c’est vrai en particulier des scènes dialoguées) et le scénario a quelque chose d’inabouti. Mais ce petit western sans prétention a un charme certain, et trouve même parfois un sens de l’épure remarquable. Fortement recommandable, donc.

Les suppléments :
La galette est plutôt bien garnie : des bandes-annonces de la collection, une galerie photos un peu chiche (quelques affiches, une pochette de disque) et une curiosité (la chanson du film interprétée par cinq chanteurs ou groupes différents).
Mais bien sûr, les fidèles de Sidonis attendent les commentaires de Bertrand Tavernier (20 minutes) et Patrick Brion (14 minutes) : à quelques redites près, leurs propos sont intéressants mais pour une fois assez contradictoires, le second étant largement plus enthousiaste que le premier. La carrière de Ted Post est détaillée, mais on avoue une tendresse particulière pour la traditionnelle revue des westerns de la même année (Brion), toujours éclairante.

L’image :
La copie est soigneusement nettoyée, et le noir et blanc apparaît dans toute sa beauté et ses contrastes. Quelques rares plans un peu en deçà au grain très épais.

Le son :
La VO (2.0 mono) est magnifiquement restaurée, dialogues clairs, bruitages très naturels. La VF, débarrassée de tout parasite, est plus sourde et le doublage a vieilli ; deux curiosités : la chanson traduite et interprétée par les Compagnons de la Chanson, et le fait que pour certains passages, le doublage ayant disparu, la VOST est obligatoire.