Extract - la critique

Évocation paresseuse de la médiocrité suburbaine, Extract se révèle aussi indigent que son sujet.

L’argument : Alors que Step, l’un des employés d’une usine d’essences alimentaires vient de subir un accident de travail, Joel, le propriétaire et son bras droit voient diminuer leurs chances de vendre la société à General Mills. Entrent alors en scène Cindy une jolie arnaqueuse, qui fera perdre la tête à Step et à Joel, Dean, le meilleur ami de Joel qui voudra lui donner un coup de main pour tromper sans culpabilité sa femme Suzie (Kristen Wiig), et un avocat véreux prêt à tout pour escroquer ce pauvre Joël...

Notre avis : Grand analyste de la bêtise yankee, papa des deux excroissances priapiques les plus cultes de l’Amérique MTV (Beavis and Butt-head) et réalisateur d’Idiocracy(2006), dystopie génétique sur l’irréversible liquéfaction cérébrale d’une humanité auto-intoxiquée par ses copulateurs les plus imbéciles, Mike Judge cherche donc à se rappeler à nos plutôt bons souvenirs avec un Extract pas nécessairement attendu au premier tournant venu. Si Idiocracy, inégal mais souvent jubilatoire, avait le mérite de placer ses ambitions artistiques à une hauteur inversement proportionnelle à l’intelligence de ses protagonistes - incapables de distinguer leurs coudes de ceux de leurs voisins - cette comédie banlieusarde semble vouloir coller au bitume des résidences qu’elle dépeint.

Délaissant donc les champs arrosés de soda et autres télés neurophages de ses forfanteries passées, Judge s’entoure d’un casting plutôt excitant, puisque Ben Affleck, Mila Kunis et même cette vieille chose botoxée de Gene Simmons (bassiste de Kiss) viennent soutenir un Jason Bateman bien seul dans la chemisette azur du pauvre Joel, mari trompé, patron paumé et victime expiatoire de la moitié du globe. Seulement, les acteurs ont beau se débattre avec des dialogues démissionnaires, ils s’enlisent à mesure que le spectateur s’embourbe dans un scénario confondant de platitude. Entre deux vannes éculées sur le désespoir conjugal et la misère sexuelle, un réseau de sous-intrigues prévisibles et quelques raccourcis grossiers dans la caractérisation des employés de l’usine (manager incapable d’imprimer les noms des ouvriers, mégères suspicieuses, primates heavy-metal et même, évidemment, un mexicain unilingue) le film ronronne comme un chat morphinomane. D’ailleurs, le tranquillisant pour chevaux que Joel absorbe après une demi-heure de gesticulations ineptes ne se contente pas de paralyser les neurones du personnage, il contamine tout autant une mise en scène qui refuse purement et simplement l’obstacle.
La rétine vierge de toute impression durable, on se prend même à rêver d’un caméo de feu Jean Lefebvre dans une scène dont le quiproquo boulevardier évoque les plus belles heures de l’ORTF. Bref, on ne saurait vous conseiller ce long inconsistant, dont on peut tout de même saluer les bonnes intentions (quelques personnages surprenants, comme un gourou du THC hyper-agressif qui nous arrache le seul rire du visionnage) à défaut de comprendre ce qu’il cherche à nous dire (satire sociale inopérante, résolution des enjeux narratifs miraculeuse et convenue). Reste une certitude, on préfère Mike Judge en cancre scatophile plutôt qu’en faiseur appliqué.