Horrible, naturellement
Le 27 avril 2014
Une adaptation parfaitement fidèle du roman de Imre Kertész, presque inadaptable. Intéressant pour ceux qui on lu le roman. Opaque pour les autres.
- Réalisateur : Lajos Koltai
- Acteur : Marcell Nagy
- Genre : Drame
- Nationalité : Britannique, Allemand, Hongrois
- Durée : 2h15mn
- Titre original : Sorstalanság
- Date de sortie : 3 mai 2006
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Une adaptation parfaitement fidèle du roman de Imre Kertész, presque inadaptable. Intéressant pour ceux qui on lu le roman. Opaque pour les autres.
L’argument : Gyuri, jeune Juif hongrois de quatorze ans, est envoyé à Auschwitz, Buchenwald puis Zeitz, dans un monde qui lui échappe, où il va vivre le quotidien de l’horreur de la Shoah.
Notre avis : A sa sortie (tardive) en 1998 en France (il l’avait écrit en 1975), Être sans destin de Imre Kertész (éditions Acte Sud) souleva la polémique. Un enfant d’à peine quinze ans, Gyuri, très nettement le double autobiographique de l’auteur, y parlait des camps, de la mort, de la haine, de l’Holocauste avec un détachement inédit, sans sentimentalisme, soulignant que tous cela était horrible, "naturellement", mais insistant aussi sur ses moments de "bonheur" dans des camps parfois "très beaux". Un récit surprenant, écartant tout manichéisme. Un récit à la première personne, très intérieur. Donc difficilement adaptable au cinéma.
Paradoxalement, en respectant le roman, Lajos Koltai, dont c’est le premier film, n’en rend pas compte convenablement. Être sans destin ne provoque pas la réflexion comme son modèle le faisait, si ce n’est dans les deux seules parties du film où se multiplient les discussions (l’ouverture et la chute). Le corps de son travail, la vie en camp de concentration, ne communique rien, si ce n’est un hommage (toujours bienvenu, certes) aux victimes de la barbarie nazie. Pire, là où le roman évitait le sentimentalisme, refusant les larmes et l’autoflagellation jusqu’à la polémique, Koltai se laisse aller aux sentiments, poussé par la musique d’Ennio Morricone. Directeur de la photo réputé, il abuse des filtres, fait de très belles images, trop belles sans doute, des camps de concentration.
© Films Sans Frontières 2
Le spectateur n’ayant jamais lu le livre est un peu perdu, respectueux face à l’horreur, mais cherchant un sens particulier au film. Seul celui qui connaît l’œuvre de Kertész peut (en poussant l’analyse jusqu’au bout) voir dans ces si jolis plans et dans leur "banalité" le reflet du roman.
Le sentiment du Gyuri dans le roman n’est traduit que par la voix off des dernières minutes. Il faut avancer pas à pas, et de chaque pas nous sommes responsables, même quand notre destin n’est plus entre nos mains. Il faut tâcher de se souvenir des bons moments, même dans l’horreur des camps. Un point de vue à part, non moins empli d’humanité et d’émotion, mais à coup sûr controversé, qui aura peut-être refroidi Koltai. Pour le respecter, il aurait fallu prendre plus de risques, mais la tâche était quasiment impossible. Scénario écrit par Kertész lui-même, acteurs remarquables, gros moyens, les intentions de Koltai étaient bonnes, le film échoue à les mettre en forme.
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