Le 8 septembre 2017
Des personnages malhonnêtes qui s’affairent dans une morgue insalubre. Le point de départ promet un film glauque et scandaleux, et pourtant il débute par des scènes assez amusantes. Le trouble naît et nous tient jusqu’à la fin... et au-delà.


- Réalisateur : Roderick Cabrido
- Acteurs : Chrome Prince Cosio, Kristoffer King, Bernardo Bernardo, Elora Españo
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Drame social
- Nationalité : Philippin
- Durée : 1h22mn
- Festival : L’Etrange Festival 2017

L'a vu
Veut le voir
Résumé : Appréhendé en train de commettre un larcin, Ilyong est froidement descendu par la police. À la morgue, son corps fera l’objet d’un curieux trafic dirigé par Violet…
Notre avis : Présenté comme un film d’horreur dans le programme de l’Etrange Festival, le film du Philippin Roderick Cabrido s’apparente en réalité davantage à un drame social traversé par une intrigue policière, dans la pure tradition de ce que à quoi nous a habitués son compatriote Brillante Mendoza. Sa mise en scène se veut donc bien plus réaliste qu’elle ne pouvait l’être lors de son précédent long-métrage, le très mystique Tuos. Accentuant à l’extrême le style du réalisateur de Serbis et Ma’Rosa, Cabrido mâtine son long-métrage d’un ton malsain, tantôt léger, tantôt avilissant, mais toujours dérangeant.
Les exactions commises en toute impunité dans une chambre mortuaire, identifiable à sa lumière monochromatique bleue, par Violet, un vieux travesti, et ses jeunes employés restent assez floues, mais l’indifférence avec laquelle ils traitent les nombreux cadavres qui les entourent est incontestablement perturbante. Depuis de simples blagues de mauvais goût échangées jusqu’à la tentation pour de véritables viols nécrophiles, les morts sont traités avec un manque de respect qui assure une profonde remise en question du sens de la morale dans un pays prétendument catholique.
Le rapport au sexe est lui-aussi assez déshumanisant. Parmi les deux personnages principaux, l’un d’eux n’hésite pas à coucher avec sa copine à côté des corps inanimés, alors que le second est prêt à accorder quelques gâteries à son patron. Ces mœurs viciés semblent, du moins selon le regard que leur porte Cabrido, aller de pair avec les conditions déplorables de cette jeunesse qui passe son temps libre à jouer aux cartes et pour qui travailler dans un funérarium dépravé est la seule voie leur évitant de sombrer dans la drogue.
L’intrigue policière, qui a pour point de départ tardif l’échange de deux morts, est une piste scénaristique mineure dont ce que l’on retiendra est surtout le degré de corruption de la police de Manille. Dommage alors que le scénario soit un brouillon, mais il dure assez peu longtemps pour devenir laborieux et garder son efficacité et même assurer un humour noir décalé sous-jacent. C’est grâce à ça que, au-delà d’un abject trafic de corps, Cabrido frappe fort : sur tous les plans, sociaux, moraux et même politiques, le constat est accablant.