Un lieu commun
Le 30 novembre 2014
Après le prometteur L’Étrangère, Feo Aladag déçoit avec un second film froid, didactique et artificiel auquel on n’adhère jamais vraiment.
- Réalisateur : Feo Aladag
- Acteurs : Burghart Klaußner, Ronald Zehrfeld
- Genre : Drame, Film de guerre
- Nationalité : Allemand
- Durée : 1h38mn
- Titre original : Zwischen Welten
- Date de sortie : 3 décembre 2014
- Festival : Festival de Berlin 2014
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Après le prometteur L’Étrangère, Feo Aladag déçoit avec un second film froid, didactique et artificiel auquel on n’adhère jamais vraiment.
L’argument : Jesper a perdu son frère en Afghanistan, pourtant il accepte d’y retourner avec les forces d’OTAN.
Jesper et son équipe sont chargés de protéger un village de l’influence croissante des talibans.
Avec l’aide du jeune Tarik, un interprète inexpérimenté, il tente de gagner la confiance de la communauté locale et de la milice afghane alliée. Plus que jamais, il découvre le fossé qui sépare ces deux mondes.
Lorsque les vies de Tarik et sa soeur Nala sont menacées par les talibans, Jesper est déchiré entre sa conscience et ses obligations militaires.
Notre avis : Déjà dans son premier film, L’Étrangère, Feo Aladag nous racontait l’histoire d’une jeune femme, Umay, tiraillée entre deux mondes, d’un côté la communauté turque, avec ses valeurs et ses traditions, de l’autre la société allemande, la culture occidentale et la liberté qu’elles offrent à la femme. Il s’agissait aussi pour Umay de choisir entre sa famille et son bien-être, entre le respect des traditions et celui de son intégrité.
Ce sont ces mêmes fossés et ces mêmes doutes qui animent Entre deux mondes, dont le titre un peu maladroit semble aussi faire office de programme. Dès le début, on suit deux hommes, Jesper, un militaire allemand, et Tarik, un civil afghan, qui évoluent dans deux réalités bien différentes. Bientôt, Jesper va rencontrer Tarik, les soldats allemands vont rencontrer les habitants du village afghan qu’ils ont pour mission de défendre. Et un peu comme dans L’Étrangère, Jesper devra choisir entre les valeurs collectives qui dirigent sa vie (en l’occurrence, respecter les ordres de ses supérieurs) et ce que lui dicte sa conscience.
Malheureusement, si Feo Aladag essaie toujours de donner à comprendre chaque point de vue, de donner autant de poids à la bonne volonté un peu rigide des soldats allemands et au ressentiment fier des afghans contre le paternalisme occidental, le film s’enlise dans une démonstration fade et jamais subtile.
Toutes les problématiques du film sont énoncées telles quelles, dans des dialogues théoriques et stéréotypés. Ainsi, Jesper dit à Haroon, le chef local, qu’il ne peut tolérer la violence, et Haroon lui répond que les occidentaux n’ont pas à imposer leurs valeurs et leur culture dans un pays qui n’est pas le leur, et dans une situation qui ne les concerne pas. La conversation ne dépassera pas ces lieux communs. "Vous avez la montre et nous avons le temps" dit un proverbe afghan. Cette petite phrase en dira plus sur les tensions culturelles que tout ce qu’en montrera la réalisatrice.
Qu’on discute de la valeur d’une vache que les soldats allemands ont dû tuer, du refus des autorités allemandes de permettre à Tarik de se réfugier en Allemagne, ou du danger que Jesper peut faire courir à ses hommes s’il ne respecte pas les ordres, tout est dit et montré de façon didactique, jusqu’à ce que les situations deviennent tout à fait artificielles.
Chaque séquence est utilitaire, le supérieur de Jesper lui rappelle grossièrement qu’il n’était pas obligé de revenir en Afghanistan, Nala, la soeur de Tarik, va à l’école et n’hésite pas à dire ses vérités à son patron misogyne, Jesper et Haroon apprennent à se respecter en deux petites scènes sans saveur. Il semble que tout obéisse à la nécessité de montrer et de démontrer, et même le dilemme final, pourtant très fort, est écrasé par l’évidence qu’il n’y a pas de choix juste. Pour ne pas avoir respecté les ordres, pour avoir suivi sa conscience, Jesper devra vivre avec les conséquences positives et négatives de sa décision.
Le spectateur reste extérieur à l’histoire, jamais vraiment attaché à l’un ou à l’autre des personnages, jamais vraiment engagé dans les situations. Tout est beaucoup trop illustratif pour qu’on puisse y croire. Feo Aladag confirme d’ailleurs son goût des fins terribles avec ce dernier plan, plutôt élégant, mais encore une fois trop chargé de sens et d’intentions.
Chaque plan d’Entre deux mondes enfonce des portes ouvertes avec une trivialité un peu bêta. On retient pourtant deux choses. D’abord, il est presque étonnant de voir des soldats allemands dans une fiction contemporaine. On avait presque oublié que l’armée allemande est aujourd’hui une armée occidentale comme une autre, sur laquelle ne pèse plus forcément le spectre inquiétant de l’Allemagne Nazie. Ensuite, on se demande avec Jesper si les interventions occidentales sont utiles ou bénéfiques. 14 ans après la création de la Force Internationale d’Assistance et de Sécurité, l’Afghanistan semble malheureusement loin d’avoir trouvé la paix. Le film de Feo Aladag donne un point de vue plutôt pessimiste sur la situation : la mission de Jesper se conclue de façon déprimante et absurde.
Entre Deux Mondes - Extrait (VOST) par PremiereFR
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