Tribu errante
Le 11 août 2012
Le film de Pierre-Marie Goulet affirme sans emphase l’importance de la mémoire pour comprendre et changer le monde et la vie.
- Réalisateur : Pierre-Marie Goulet
- Genre : Documentaire, Poème
- Nationalité : Français, Portugais
- Durée : 1h45mn
- Plus d'informations : http://encontros-athanor.blogspot.c...
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Le film de Pierre-Marie Goulet affirme sans emphase l’importance de la mémoire pour comprendre et changer le monde et la vie.
L’argument : En allant à la rencontre des chants polyphoniques en Alentejo et en Corse, puis en suscitant une rencontre entre chanteurs alentejanos et corses, Pierre-Marie Goulet évoque la présence d’une tribu humaine et poétique, sonore et musicale, dont le territoire ne correspond à aucun territoire géographiquement connu et entrecroise différentes rencontres, contemporaines ou passées, entre personnes et mémoire.
Après mon précédent film, Polifonias, dédié à Michel Giacometti, le Corse qui a sauvé la mémoire de la culture populaire portugaise, est né le désir de parcourir certains chemins : la venue d’António Reis (alors poète) au village où souhaita être enterré Michel Giacometti, le film « Mudar de Vida » de Paulo Rocha, pour l’interaction entre l’histoire contée et la fin des communautés de pêcheurs. Je reconnais le film dans le texte de Sérgio Godinho qui y revient rythmiquement : "On raconte que, dans la mort, on vient toujours de loin à la rencontre de quelque chose. Nous nous réincarnons dans la reconnaissance d’une voix et quelque voix lointaine nous apporte la certitude familière de n’avoir jamais été seuls. Parce que nous nous reconnaissons sur des bancs de jardin où jamais nous ne nous sommes assis. Parce que le souvenir qui s’éteint perdure dans la mémoire. Quel est ce mystère de la mémoire, celle de la vie qui, raturant, écrit de nouveau ce qu’elle ne cesse de sentir."
Pierre-Marie Goulet (Extrait du programme de Trafic, 20 ans 20 films)
Notre avis : La projection, le 16 janvier 2012 au Centre George Pompidou dans le cadre du programme Trafic, 20 ans 20 films, de Encontros de Pierre-Marie Goulet , choisi et présenté par Bernard Eisenschitz, posait un jalon de plus dans le parcours de ce film qui depuis 2006 poursuit son bonhomme de chemin, rencontrant à chaque étape, aux quatre coins du monde, de nouveaux membres de cette tribu errante dont parle Manuel António Pina, lorsqu’il lit son poème António Reis não o sabia... où il évoque l’effervescence poétique du Porto des années 50 et l’influence du futur cinéaste de Tras os Montes et Ana : Dans nos poches, nous gardions les "Poèmes Quotidiens"... / et nous les partagions avarement dans les cafés, / durant les longues nuits solitaires de l’adolescence, / comme une flamme commune... / un signe qui nous identifiait... / comme des membres de la même tribu errante. // Nous étions tous jeunes, ou jugions que nous l’étions, / et nous croyions, dans ces temps controversés, / qu’il nous avait été donné le don de... / par la poésie, / comprendre et changer le monde et la vie.*
Cette volonté de changer le monde parcourt le film pourtant dédié à des disparus (Reis et Michel Giacometti) et à la perpétuation d’une mémoire menacée par l’oubli. En recueillant les chants et les récits des paysans et paysannes d’un village de l’Alentejo, Reis, Giacommetti, Paolo Rocha (qui y tournait en 1966 son film Mudar de Vida) ont fait oeuvre de résistance et ont, à leur manière, préparé la Révolution des Oeillets.
- Encontros
- Encontros - Virginia Dias
Car ce qu’affirme sans emphase Encontros est qu’en gardant vive cette mémoire quelque chose s’écrit, fut-ce le souvenir d’un souvenir (je me souviens de m’être souvenu), et que c’est cela qui permet de résister à l’uniformisation et au commerce culturel généralisé.
Cette résistance paisible a le visage rayonnant de la femme poète autodidacte Virgínia Maria Dias racontant la venue de Reis dans (dans un village... où les coutumes étaient si strictes, même des personnes qui étaient en deuil, et pour qui il était interdit de chanter, elles allaient chanter pour M.Reis.)* , faisant le voyage en Corse (le pays de Michel) ou disant ses poèmes face à la caméra (Où est-il ce temps ? / Ce temps d’autrefois. / Quel silence le dévore... / Que, de lui, ne reste que ma plainte.)
Mais ce sont aussi les villageois se revoyant dans le film de Rocha, 40 ans après, et accompagnant la projection de leurs commentaires (le chalet, il était déjà à moitié emporté par la mer) ou encore ces deux plans magnifiques qui ouvrent et ferment le film, la caméra avançant (au début) puis reculant longuement (à la fin) sur un chemin de terre et découvrant sans cesse, au gré des montées, des descentes et des tournants de la route, de nouvelles perspectives, de nouvelles étendues de champs en fleurs.
Rien de plus simplement bouleversant. Rien de plus beau.
- Encontros
* Les citations sont empruntées au site du film http://encontros-athanor.blogspot.com/search/label/Encontros
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