A dangerous method
Le 5 février 2012
En dépit de quelques invraisemblances et d’un manque de sobriété, Elles est une oeuvre troublante qui se regarde moins comme un "film sur la prostitution" que le portrait d’une femme à la dérive
- Réalisateur : Malgoska Szumowska
- Acteurs : Juliette Binoche, Louis-Do de Lencquesaing, Joanna Kulig
- Genre : Drame
- Durée : 1h36mn
- Date de sortie : 1er février 2012
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En dépit de quelques invraisemblances et d’un manque de sobriété, Elles est une oeuvre troublante qui se regarde moins comme un "film sur la prostitution" que le portrait d’une femme à la dérive
L’argument : Anne, journaliste dans un grand magazine féminin, enquête sur la prostitution estudiantine. Alicja et Charlotte, étudiantes à Paris, se confient à elle sans tabou ni pudeur. Ces confessions vont trouver chez Anne un écho inattendu. Et c’est toute sa vie qui va en être bouleversée.
Notre avis : Ces derniers temps, les films abordant de près ou de loin la thématique de la prostitution n’ont pas manqué sur les écrans. Le sujet n’est certes pas neuf, et le septième art s’est toujours plu à interroger la question du corps et de son marchandage (en vrac : Belle de Jour, Pretty Woman), mais il semble que les possibilités offertes par le numérique aient relégué au second plan l’image poussiéreuse de "la putain" et de la maison close, au point que cette dernière est devenue un objet de nostalgie filmique davantage qu’un lieu où la question du corps serait abordée de front (ce qui ne lui ôte pas tout son pouvoir de fascination, comme l’a montré l’excellent film de Bonello, L’Apollonide)
De ces possibilités, le film de Malgoska Szumowska fait d’abord un usage décevant : au regard de la richesse que fournit la problématique du sexe et de sa représentation, Elles déçoit par sa tendance à vouloir illustrer à tout prix les témoignages des deux étudiantes qui lui servent de fil conducteur. La caméra s’immisce avec un certain voyeurisme et une légère complaisance dans les intérieurs bourgeois, nous donnant à voir et à entendre moult pipe, gémissements, organes et scènes de masturbation les plus diverses. Problème : toutes les scènes ne se justifient pas, et le long-métrage fait rapidement apparaître une contradiction entre, d’un côté, la volonté qu’il affiche de critiquer l’exploitation d’une forme de détresse sociale (Alicja est polonaise, Charlotte/Lola vient d’un milieu ouvrier qu’elle méprise) et, de l’autre, sa tendance à montrer que la prostitution estudiantine est devenue un fait banal qui ne constitue pas, en tant que tel, une injustice particulièrement criante.
De ce point de vue, le film nous laisse juger et refuse le didactisme (à tort ou à raison). La prostitution estudiantine apparaît moins comme son thème central (aucune séquence ne montre nos deux étudiantes en cours) qu’un prétexte à interroger les fantasmes sociaux de ses personnages, chacune nourrissant à l’égard de l’autre une fascination faite de réserve et de confidences. Anaïs Demoustier et Joanna Kulig campent sans fausse note, et même avec une très grande justesse, ces deux jeunes femmes dégoûtées par leur milieu.
Mais face à elles c’est surtout Binoche qui impressionne et constitue le centre d’intérêt du film. Pas seulement elle en tant qu’actrice mais pour ce qu’elle dit de sa propre féminité, de celle de son personnage, pour ce mal-être qu’elle communique. Ainsi, ce n’est peut-être pas tant au trio féminin que renvoie le pluriel du film qu’à elle-seule, sa figure éclatée, diverse, disparate, omniprésente dans le récit. Même si ce dernier fait la part belle à certains clichés, il demeure avant tout le portrait juste d’une femme bourgeoise ayant perdu prise sur son corps et celui des autres, dont les seuls gestes d’affection se limitent à un simple massage et au plaisir qu’elle se donne. Le film est alors à son image : maladroit, instable, il se cherche et dénonce à tout moment sa propre fragilité.
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