Elle est des nôtres

Portrait réussi d’une femme dans le monde inhumain de l’entreprise.

L’argument : Christine Blanc est une employée modèle. D’entreprises en entreprises, ses contrats d’intérim s’achèvent toujours sur une satisfaction de part et d’autre. La jeune femme, peu communicative, apprécie d’ailleurs de changer de lieu de travail aussi souvent que possible. Mais lorsqu’un jour on lui propose de rester, il va lui falloir s’adapter à être en permanence sous le regard des autres et à dévoiler de plus en plus la partie obscure de sa personnalité. Ainsi Christine commence par se lier d’amitié avec Pascale, son ancienne conseillère à l’agence d’intérim, pour se familiariser avec la plus simple des sociabilités. Mais très rapidement, leur amitié dérape.

Notre avis : Le premier long métrage de Siegrid Alnoy met mal à l’aise, et c’est voulu. Sa protagoniste, inadaptée socialement, ne devient jamais un personnage familier pour le spectateur. La froide observation de la caméra nous mène inéluctablement vers une catastrophe, sans que l’on puisse deviner ce qui va bouleverser le quotidien bien réglé de Christine. La mise en scène assure un portrait iconoclaste plus que réussi d’une femme à la fois hors du commun et trop banale. Les acteurs sont comme des poissons dans l’eau de ce film à la froideur éloquente, et le regard inerte de Sasha Andrès/Christine vous laissera un souvenir prégnant. Le film, présenté en mai 2003 dans la sélection de la Semaine de la critique, à Cannes, est une belle illustration de la frustration que peut engendrer la culture individualiste de notre univers contemporain. Christine Blanc ne réclame ni compréhension, ni réussite sociale, elle veut seulement être elle-même, ce que son caractère profondément déviant ne lui permettra pas.

Coup d’œil : La réalisatrice Siegrid Alnoy dit s’être inspirée du "monde réel", pour donner naissance au personnage de Christine, ce monde créé par l’économie, qui, selon la cinéaste "a transformé le monde en friche stérile et la société en désert". Le film est une forme de réponse à la part d’inhumanité que nous imposent l’univers de l’entreprise et ses normes.