Le 28 septembre 2015
- Réalisateur : Laetitia Carton
- Dessinateur : Edmond Baudoin
Qui est l’homme dont la main trace les lignes si denses et légères à la fois du Voyage ou de Couma Acó ? A qui appartient ce bras qui entraine les formes dans un mouvement toujours plus aérien, voluptueux ou simplement guidé par la matière ? A celui dont l’oeuvre est en soi un autoportrait, répond avec justesse le documentaire de Laetitia Carton. Car Baudoin ne ment pas lorsqu’il peint. Il est tout à son corps, et à son charme. L’intensité émotionnelle de ses albums se dessine d’ailleurs sur ce visage, aux traits encore si juvéniles, et s’entend dans sa voix à l’accent chantant et au rythme lent. Celui qui a lu avec attention Baudoin ne s’étonnera donc pas des lieux et thèmes qui traversent le film : la danse, l’arrière-pays niçois, l’atelier, les femmes, l’Amour… Sujets mis un à un en perspective de certaines planches de l’auteur. L’homme colle à son écriture, aussi touchant et en insatiable recherche qu’elle.
Laetitia Carton découvre Baudoin à la lecture du Portrait, histoire d’une relation complexe entre un peintre au grand âge et son jeune modèle féminin. L’étudiante aux Beaux-Arts ressent immédiatement une « profonde fraternité » pour cet artiste, et lui propose quelques années plus tard d’être le sujet de son premier long métrage. Edmond serait-il donc le symétrique parfait de l’oeuvre à l’origine de leur rencontre ?
Faire le portrait de celui qui en interroge l’art depuis ses débuts n’est pas mince affaire. Aller chercher le fond d’un regard, la profondeur d’une identité, la grâce d’un trait, la volupté d’un corps, et peut-être avant tout soi-même : telle est la sève de son pinceau. Une démarche dont se détache la documentariste. Avec certaines maladresses, une distance parfois peu assurée, elle se soustrait davantage au magnétisme du septuagénaire. Elle s’applique avant tout à recueillir les paroles du bavard Baudoin dont l’esprit toujours en mouvement disserte tant sur cette intention incessante de toucher le cœur de ses sujets, que sur la vie elle-même, ses questionnements, ses douceurs et ses intensités. Edmond l’hypersensible semble faire l’Amour à tout ce qui l’entoure. Il nous rappelle ainsi, après Terrains Vagues, cette scène où, de sa terrasse, il se laisse emplir de l’avancée tonitruante d’un orage, se masturbe face à sa puissance, et termine : « ce jour-là, j’ai fait l’amour avec un orage ».
Devant la caméra comme dans ses bandes dessinées, Baudoin se met à nu - littéralement d’ailleurs – en toute humilité, et offre sa philosophie, celle du temps présent, de l’intensité de l’éphémère, de la liberté de jouissance et de création. Cette liberté qui, il y a quarante ans, ouvrait l’espace des possibles de la bande dessinée, là où l’encre n’attend pas le crayonné, où la narration se substitue à l’expression, où le silence de la matière s’autorise. Baudoin vit et peint comme il danse, à corps perdu.
Photo : Kaleo Films
Découvrez la bande-annonce :
"EDMOND, un portrait de Baudoin"- Bande-annonce from Kaleo films on Vimeo.
En salles le 30 septembre 2015
Galerie photos
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