Le désir d’être une femme - Hommage à la réalisatrice Jocelyne Saab (1948-2019)
Le 8 janvier 2019
Un plaidoyer contre l’excision et un fascinant voyage au cœur de la culture arabe avec une femme à la recherche de son désir perdu.
- Réalisateur : Jocelyne Saab
- Acteurs : Hanan Turk, Mohamed Mounir, Fathy Abdel Wahab
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Égyptien
- Distributeur : Clair Obscur
- Durée : 1h50mn
- Date de sortie : 6 septembre 2006
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L’argument : Dunia est une jeune égyptienne de vingt-trois ans, étudiante en poésie soufie, qui a décidé de devenir danseuse professionnelle comme sa mère. Son apprentissage de la danse va exiger qu’elle se réapproprie son corps amputé par l’excision.
Notre avis : L’excision, pratique assez répandue sur le continent africain, consiste généralement en l’ablation du clitoris. Ce rite initiatique, car c’en est un, marque le passage de la femme à l’âge adulte et l’empêchera souvent de ressentir du plaisir pendant l’acte sexuel. Dunia, interprétée par la sensuelle Hanan Turk, en a malheureusement fait la douloureuse expérience. Pour devenir une "vraie danseuse", lui conseille-t-on, elle doit danser avec son âme. Mais comment peut-on exprimer des sentiments que l’on a jamais eu l’occasion d’expérimenter, à savoir le plaisir, l’extase ? Le docteur Bechir, brillant homme de lettres au discours révolutionnaire, la guidera, aussi bien dans ses recherches sur le traitement de ces sentiments dans la poésie soufie, que dans la reconquête de sa féminité mutilée.
Dunia est sans ambages un film sur le désir, celui des femmes dans un monde arabe où il n’est pas toujours de bon ton qu’il s’exprime sur la place publique. L’Egypte n’échappe pas à cette règle et le film y a bien évidemment fait scandale. A l’instar de son compatriote L’immeuble Yacoubian, sorti il y a quelques semaines en France. L’œuvre de la réalisatrice libanaise Jocelyn Saab ne se contente pas de braver la censure qui frappe le cinéma égyptien, elle dénonce également une coutume d’un autre âge. La cinéaste met en images un univers plein de sensualité où les femmes se donnent des trucs pour réveiller le désir de leurs amants, où les anciennes collègues de la mère de Dunia lui enseignent l’art des déhanchés qui laissent pantois tout mâle normalement constitué. La danse, la musique et la poésie se partagent l’affiche de cette comédie dramatique qui est un véritable clin d’œil au cinéma musical égyptien. Les langoureuses mélodies laissent rêveur, les poèmes donnent envie de les déclamer. Quoi de plus normal diront les spécialistes quand les chansons de la B.O. sont interprétées par celui que l’on surnomme "La voix de l’Egypte", Mohamed Mounir, alias Bechir.
Jocelyne Saab a choisi d’effleurer ses personnages de sa caméra, au risque de se laisser gagner par la langueur ambiante, de nous offrir de la poésie, au propre comme au figuré en nous livrant un hymne à la liberté. La liberté des femmes à disposer d’elles-mêmes et de leurs corps quelles que soient les contraintes sociales qui leur sont imposées. Dunia progresse vers elle-même à travers les mots et les expériences de ses aînées. En nous faisant partager un peu de cette culture arabe et égyptienne, en particulier, Saab souligne les contradictions de sociétés traditionnellement expertes dans les mots et les gestes de l’amour. Le résultat : un film positivement et subtilement coquin que de malheureux esprits rétrogrades, au vocabulaire limité de surcroît, qualifieront d’impudique.
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