Johnny Cash en psychopathe sadique
Le 24 juin 2015
Un petit film noir inédit en France qui vaut surtout pour la présence de Johnny Cash qui incarne, pour son premier rôle à l’écran, un psychopathe chantant particulièrement sadique et inquiétant.
- Réalisateur : Bill Karn
- Acteurs : Ron Howard, Johnny Cash, Cay Forester, Pamela Mason, Donald Woods
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Bac Films
- Durée : 75 min
- Titre original : Five Minutes to Live
- Date de sortie : 7 décembre 1961
L'a vu
Veut le voir
L’argument : Un gang terrorise une petite ville. En plus de cambrioler les banques, ils font du porte à porte et exécutent quiconque leur répond.
Notre avis : Tout d’abord, il faut dire que l’affiche de ce film, reproduite sur la jaquette du DVD avec tout un travail d’embossage, est absolument superbe et met carrément l’eau à la bouche. En effet, il s’agit d’un des très rares rôles de Johnny Cash à l’écran. Pour ce premier rôle de cinéma, l’homme en noir a fait le pari osé d’interpréter une ordure, un tueur sadique particulièrement pervers, toujours muni de sa guitare et de son flingue. Même s’il gratte son instrument régulièrement, on ne le verra chanter que très peu, notamment la chanson-titre "Five Minutes to Live" qui n’est pas ce qu’il a fait de mieux, mais sa voix est juste superbe. Il n’est pas la seule star de la country à intervenir dans cette petite série B. Merle Travis y fait aussi une petite apparition dans le rôle de Max. Deux raisons suffisantes pour jeter un œil sur ce long métrage obscur.
Originellement titré Five Minutes to Live en 1961, le film a été rebaptisé Door-to-Door Maniac ! cinq ans plus tard, ce qui se révèle assez trompeur car au final le criminel Johnny Cabot incarné par Cash ne pénètre que dans une seule maison. Peut-être que les producteurs voulaient surfer sur le succès des films trash et ultra violents qui cartonnaient dans les drive-in américains, notamment le Two Thousand Maniacs ! de Herschell Gordon Lewis. On remarquera d’ailleurs la même utilisation du point d’exclamation. Car, en effet, Door-to-Door Maniac ! est un film noir assez violent pour l’époque. En plus d’être un tueur de flics, Cabot est aussi capable d’abattre sa petite amie de sang froid et se plaît à humilier, frapper, brutaliser sa victime. Les dialogues, bien sentis, entretiennent la tension sexuelle très forte et ambiguë entre lui et Nancy Wilson (Cay Forester, également auteure du scénario). C’est d’ailleurs dans ce face-à-face que le film se révèle au bout du compte très réussi. Cash roule des yeux et fait des tas de mimiques nerveuses qui conviennent très bien à son personnage alors que Forester en fait des tonnes, très théâtrale et dramatique. Et si le viol n’est ici que suggéré, on se doute bien que si le film avait été fait dix années plus tard, il aurait été beaucoup plus loin dans la violence et aurait une place de choix dans la grande famille du cinéma d’exploitation. En effet, on ne peut s’empêcher de penser aux Last House Movies des seventies (La dernière maison sur la gauche, La maison au fond du parc, etc.) dont ce film est une sorte d’ancêtre très sage. Hélas, Bill Karn n’assume pas à cent pour cent la noirceur de son long métrage et se sent obligé de rajouter des moments de légèreté et d’humour particulièrement vieillots et anodins (en particulier le final).
Bill Karn, lui même, n’est pas un grand réalisateur et Door-to-Door Maniac !, tourné en six jours, a tout d’une production faite rapidement et sans grande ambition artistique. Il s’agira en fait de son seul film vraiment original car tous les autres seront montés à base de séquences extraites de séries télévisées : Ma Barker’s Killer Brood (1960), Guns don’t argue (1957), Gang Busters (1955)... Son passé vient d’ailleurs de la série télévisée. L’histoire n’a d’ailleurs en elle même rien de très original. Le braquage de banque qui tourne mal était déjà un sujet rebattu. Bien qu’ici le traitement soit assez singulier, vu que les malfrats prennent en otage la femme du Vice Président de la banque qui au bout du compte n’en a plus rien à faire d’elle. Il aura cinq minutes pour décider s’il donne la rançon de 70 000 dollars ou s’il les laisse abattre cette compagne qu’il n’aime plus. Mais le casting improbable en fait un objet très singulier. Vic Tayback, plutôt acteur de télévision, assure la narration en voix off et le rôle du complice de Cabot. Plus étonnant, on retrouve ici Pamela Mason, la femme de James, dans le rôle de l’amante de Ken Wilson (Donald Woods), le mari infidèle, et aussi Ron Howard, l’acteur-réalisateur, alors âgé de tout juste six ans. Aux crédits musicaux, on sera également surpris de retrouver Gene Kauer, qui se fera connaître plus tard pour ses scores très sombres pour les Mondo movies morbides Face à la mort et Face à la mort 2 qu’il composera en fin de vie comme par hasard.
Un autre aspect assez intéressant, c’est la façon dont le film dépeint la vie pavillonnaire de ces Wilson, petits bourgeois biens sous tous rapports ou presque. Derrière la surface, on trouve une femme délaissée sexuellement qui se concentre sur la collection d’objets et le travail associatif et un mari qui rêve de passion et d’aventure. Cabot lui même a des phrases assez assassines sur cette vie sans joie et bien rangée dans cette Amérique des petites villes si ennuyeuses. Pourtant, le psychopathe mélomane garde un look et une coiffure impeccables de bout en bout et il demande d’ailleurs à sa victime qu’elle se fasse belle à son tour. Même si tout cela n’est pas très creusé, on sent malgré tout un discours sur les apparences, l’importance du paraître et la tromperie qui en découle, qui aurait pu être passionnant s’il y avait eu plus de temps pour creuser le scénario.
Finalement, Door-to-Door Maniac ! se regarde avec plaisir, surtout pour les scènes dans la maison, qui constituent la grande partie du métrage. Johnny Cash, le rebelle, s’y montre plutôt bon, charismatique et inquiétant et se révèle être un des premiers "psychopathes chantants"" selon Stéphane Bourgoin dans le bonus DVD. Il est à n’en pas douter la version ténébreuse d’un Elvis et ce film vieillit plutôt pas trop mal quand on le compare à ceux dans lequel le King a participé. Misogyne au possible, il excelle dans les scènes un peu excessives justement (celle où il casse tout dans la maison ou quand il harangue Nancy Wilson sur son laisser-aller). Le film est donc sauvé, une fois n’est pas coutume, par sa violence et son côté poussif. À découvrir pour tous les amateurs de Johnny Cash.
Les suppléments
Si l’emballage est juste superbe, il faut dire qu’en termes de bonus, il n’y a pas grand chose à se mettre sous la dent, juste un entretien avec le spécialiste des tueurs en série, Stéphane Bourgoin. En huit minutes, il nous fait une présentation concise et fort intéressante du film, mais c’est tout.
Image & Son
Le film, inédit dans nos contrées, est présenté en version américaine sous-titrée. La photo, bien qu’assurée par Carl E. Guthrie, un grand nom du genre, n’est pas ce qu’il a fait de mieux, mais la copie est plutôt pas mal conservée. Musicalement, si vous vous attendez à entendre beaucoup de tubes de Johnny Cash, vous serez déçus, car à part le fameux "Five Minutes to Live" repris deux fois, le chanteur n’entonne aucune de ses autres chansons. En revanche, on le voit jouer de la guitare en permanence dans un style au bout du compte assez blues. Quant à la partition musicale de Gene Kauer, elle est fonctionnelle et est loin de valoir ses travaux plus tardifs.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.