Le 8 avril 2024
Un long métrage dont il faut se méfier du titre mais qui témoigne une nouvelle fois de la puissance d’inventivité et de création du documentaire.
- Réalisateur : Andrés Peyrot
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Suisse, Panaméen
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Durée : 1h25mn
- Titre original : God Is a Woman
- Date de sortie : 3 avril 2024
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Résumé : En 1975, Pierre-Dominique Gaisseau, explorateur français oscarisé pour son documentaire {Le Ciel et la boue}, se rend au Panama pour réaliser un film sur la communauté fermée des Kunas, où la femme est sacrée. Gaisseau, son épouse et leur fille Akiko vivent avec les Kunas pendant une année. Mais le projet fait faillite et la copie est confisquée par une banque. Cinquante ans plus tard, les Kunas attendent toujours de découvrir « leur » film, devenu une légende transmise par les plus anciens aux plus jeunes. Un jour, une copie cachée est retrouvée à Paris.
Critique : Il y a presque cinquante ans, après les lumières et les fastes de Hollywood, le documentariste Pierre Gaisseau s’installait au Panama, dans une île où les Kunas, une peuplade indigène, étaient réputés vivre dans un système de matriarcat. Le cinéaste reprenait alors la caméra et s’engageait sur un projet, Dieu est une femme, aux côtés de son épouse, sa fille et un assistant de génie. Mais le rêve s’est arrêté, stoppé par la maladie, les problèmes financiers, les pellicules étant abandonnées quelques part entre le Panama et la France.
Dieu est une femme, qui reprend le titre du film original, est une aventure assez incroyable de retrouvaille avec un long-métrage oublié et les résurgences d’un passé où les iliens hésitaient entre le désir d’émancipation et la conservation de traditions ancestrales. Depuis, les jeunes ont quitté la ville, ils sont partis migrer dans les grandes villes d’Europe ou d’Amérique du Sud, en quête de meilleures conditions économiques. Le film est structuré en deux parties. La première témoigne de la réalisation du documentaire où, à l’époque, Gaisseau refusait toute forme de pénétration de la culture occidentale, malgré le risque d’ethnocentrisme et les facilités du regard culturaliste. La mondialisation avait déjà commencé son chemin à travers la planète, et les Kunas, comme tous les autres peuples du monde, étaient déjà aux prises des référentiels occidentaux dominants. Le deuxième, tout aussi passionnante, raconte la résurrection du film et la programmation de sa diffusion avec les habitants de l’époque.
- Copyright Pyramide Distribution
Dieu est une femme raconte non sans une certaine cruauté la manière dont le cinéma transforme la réalité, et recrée derrière la caméra ce qu’attend du monde le réalisateur. Dit autrement, le film témoigne du risque de la manipulation inhérent à tout projet de documentaire, dès lors que l’idéologie se mêle à la volonté de créer. Andrès Peyrot, qui lui-même réalise un documentaire sur un film, endosse avec aplomb le risque de l’ethnocentrisme, tout du moins, révèle aux spectateurs la tentation d’un spectacle empreint de facilités scénaristiques. C’est donc une œuvre qui parle de cinéma, depuis sa création jusque sa diffusion où chacun se confronte aux représentations que l’artiste donne des autres sur l’écran. La manière dont d’une part les pellicules renaissent des cartons et d’autre part les personnes qui ont contribué à l’époque au projet se retrouvent sur l’écran est magique. La sensibilité affleure sur les visages qui redécouvrent un monde qui a été un peu le leur et a été réinventé par un ethnologue passionné.
Voilà donc encore un film qui témoigne de la très grande vitalité du documentaire au cinéma depuis une dizaine d’années. La réalité telle qu’elle est rendue sur l’écran réinvente totalement la manière réelle dont vivent les individus. Le plus important demeure la façon dont le spectateur se recrée une histoire à travers celles qui se déroulent sur l’écran. Ici, derrière la petite histoire de familles panaméennes, c’est la grande histoire du cinéma tout entière qui se glisse sur l’écran. Andrès Peyrot va à la rencontre de plusieurs générations d’indigènes qui ont été changées au même rythme que le monde et qui pourtant se raccrochent, comme des fétiches, aux subsides de leurs aïeux.
Dieu est une femme n’est surtout pas un énième film sur la libération des femmes. S’il s’agit peut-être d’une forme d’imposture historique ou sociologique, il n’en raconte pas moins l’attrait magnifique que le cinéma exerce et continuera d’exercer sur les gens.
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