Deux fils - la critique du film

Notre avis : Jusqu’à présent, Félix Moati s’est fait remarquer pour la qualité de ses prestations d’acteur. On l’a vu en 2018 de manière fugitive dans Le grand bain de Gilles Lellouche et plus sûrement dans Gaspard va au mariage d’Antony Cordier. Cette fois, il passe derrière la caméra et, nourri de ses souvenirs personnels, dresse le portrait de trois hommes, à trois âges différents, en quête de réconciliation avec la réalité de la vie.

Copyright Nord-Ouest Films - Victor Moati

Dès le début du film, le relais parents-enfants s’enraye, puisque, à la suite de perte d’un être cher, un père de famille décide de donner une nouvelle orientation à son existence et de démissionner de son rôle d’éducateur auprès de ses enfants.
Filmé de dos, un homme, encadré de deux garçons, pénètre dans un magasin de pompes funèbres où trône un cercueil de toute évidence prêt à abriter un malheureux candidat qui s’avère être le frère aîné du premier et l’oncle des seconds. D’emblée, le père déclare que ce cercueil est trop petit et sans plus de manière, s’y allonge évacuant du même coup les craintes initiales de l’éventualité d’un film larmoyant sur le deuil. L’attitude fantaisiste de ce personnage à mi-chemin entre désespoir et désir de renouveau nous protège immédiatement du tragique et imprègne la narration de cette tonalité grave et légère qui ne la quittera plus.

Copyright Nord-Ouest Films - Victor Moati

Arrivé à une époque-charnière de sa vie, Joseph (Benoît Poelvoorde) abandonne sa carrière de médecin pour embrasser celle de romancier. Il ne se pose pas la question de savoir s’il en a les compétences. Il souhaite juste atteindre un nouvel idéal. Sa rencontre avec un éditeur mettra à mal ses ambitions. De son côté, son fils aîné, Joachim (Vincent Lacoste), ne manque pas non plus de rêves de grandeur. Il clame haut et fort qu’il se prépare à être le plus grand psychiatre du monde même s’il piétine sur sa thèse depuis plus de deux ans, l’esprit embrumé par l’échec de ses amours passées. Finalement, il ne reste plus à Ivan (Mathieu Capella), le cadet mais sans aucun doute le plus mature, d’autre choix que celui de prendre en charge les membres défaillants de son entourage et de tracer seul son chemin au cœur de ce brouillard familial. Tiraillé entre son désir de conquérir le cœur de son amie Mélissa et sa soif d’élévation mystique, il se réfugie dans la religion mais aussi dans l’alcool et la cigarette.

Copyright Nord-Ouest Films - Victor Moati

C’est autour de ce garçon à la spontanéité bluffante et à la répartie pétillante que s’organise ce trio de personnages que leur recherche d’absolu inatteignable rend à la fois héroïques et émouvants. Au cœur d’un décor parisien affectueusement filmé et de plus agrémenté d’une bande originale jazzy de bon aloi, la tendresse déphasée d’un Benoît Poelvoorde associée à la nonchalance assumée de Vincent Lacoste accompagne les faiblesses des plus grands et la révolte du plus jeune pour nous conter délicatement une histoire d’amour et d’entraide exclusivement masculine. S’il trouve le ton juste pour nous parler de ces relations filiales enchevêtrées, le réalisateur-scénariste laisse filer sans contrôle son récit au romantisme échevelé vers des chemins si délibérément burlesques qu’ils risquent bien de priver les spectateurs les plus rationnels d’une quelconque possibilité d’identification avec ces personnages gentiment déjantés.
Félix Moati signe un premier film sensible au charme indéniable qui brille essentiellement par le qualité de jeu de ses trois interprètes principaux mais aussi par la présence de seconds rôles de talent.