Détenu en attente de jugement - la critique du film

Notre avis : Peu connu en France, Nanni Loy est surtout connu pour des comédies et en particulier napolitaines, ce que l’on ne saurait soupçonner en regardant Détenu en attente de jugement, œuvre sombre et amère qui raconte une descente aux enfers judiciaires. Difficile de ne pas penser au Procès de Kafka tant la critique sévère des institutions sonne comme une somme d’absurdités. Mais là où Kafka tisse une parabole déroutante, là où Welles l’adaptant crée un délire baroque, Loy au contraire s’échine à détailler de la manière la plus précise, voire la plus sordide, le quotidien d’un détenu dépassé par les événements. Rien ne nous est épargné, des besoins naturels aux pets et à la tentative de viol, avec un Alberto Sordi extraordinaire d’un bout à l’autre et dont le visage défait, perdu, puis dur et fermé, devient une leçon d’interprétation.

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L’identification joue à plein : le spectateur suit et souffre avec le « géomètre » (encore Kafka), le cœur de plus en plus serré ; l’entrelacs de portes, grilles, serrures verrous organise un piège visuel qui, évidemment, correspond au piège bien réel dans lequel il s’enferre de plus en plus, sans comprendre ce qui lui arrive ; la logique du cauchemar, implacable, est accentuée par les plans de coupe sur la mer, le soleil et les vacanciers, mais aussi par une ironie mordante (la guitare de Saverio, longtemps attendue, et qui arrive après sa mort, ou le carton final sur les ressemblances avec des situations réelles). De même l’enfermement, thème bien sûr majeur, est-il admirablement décrit par des plongées sur Di Noi faisant les cent pas dans sa cellule, la plus étonnante étant triangulaire.

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Le film est surtout un drame humain, bien plus qu’un réquisitoire contre des institutions, même si elles sont présentes : c’est la destruction d’un homme que le hasard a choisi, une méprise absurde qui conduit à un jugement irréfragable puisque sans justification. Si les détails ont tant d’importance, c’est que leur accumulation explique la perte de l’humanité par une succession d’humiliations : ne pas se couvrir la tête, être toujours dans la lumière, observé, mais aussi subir les insultes des voyageurs. Loy excelle à multiplier ces petites notations ; ce sont elles qui font le prix du film, bien plus que les « grandes séquences », la révolte dans la prison notamment est plus banale. On retiendra en revanche la messe, superbe moment de rage et de défi ou la fin déchirante. Bien sûr, on se passerait de tics visuels comme l’abus de zooms, ou du cauchemar éveillé quand Di Noi repasse la douane, mais tel quel, imparfait sans doute, Détenu en attente de jugement est une œuvre forte, puissamment amère, ce que la fin relativement heureuse ne peut masquer.

Sortie DVD le 3 octobre