D’eau et de boue - Adam Smith, Matthew Fox - La chronique BD

On a l’impression de connaître l’Amérique par cœur – ou plutôt en son cœur – lorsque l’on voit ces petites villes qui se ressemblent toutes, ces flics véreux et ces bars sales, cette pauvreté qui imprègne les cabanes qu’une tornade peut retourner comme une crêpe, à l’image de ce que l’on retrouve dans Winter’s Bone. Chaque fois qu’un auteur reprend ce décor, il n’a qu’à ajouter une petite veine, une petite maladie ou fermer une vésicule sur ce cœur pour l’assécher encore davantage ou le gonfler jusqu’à ce qu’il éclate. Adam Smith a voulu appuyer sur la foi, non pas religieuse mais sectaire, sans que cela choque pour autant, tant l’évangélisme est courant aux États-Unis. Pour autant, l’auteur a choisi d’aller jusqu’au bout, dans une hypnose fanatique qui arrive peut-être trop rapidement, sans laisser le temps de montrer comment les personnages secondaires ont été broyés par ce système, pour en arriver à un final quasi fantastique.

© Robinson / Fox / Smith

L’atmosphère du récit est largement portée par un dessin envoûtant, qui fait passer les bleus, les violets et les noirs avec avidité dans les reflets, les yeux, comme si l’élément liquide avait investi les planches. Le bois des cabanes semble flotter, les vêtements peuvent dégouliner, les larmes ne cessent de couler de visages amoindris et endeuillés. On se souvient que Hermann avait plutôt bien vu cela dans ses premiers Jeremiah, et ce roman graphique s’inscrit dans cette même veine.

© Robinson / Fox / Smith

Fantastique dans son déroulé, vif dans son rendu, D’eau et de boue livre une histoire qui fait frémir, entre alcool clandestin et destin d’un clan de fols, comme un nouveau récit vivant de l’Amérique invisible.