Le 11 octobre 2022
Dans ce roman sur le bien et le mal, satirique et paradoxalement presque empathique, Jonathan Franzen dissèque une famille et les esprits de chacun de ses membres, les tourments qui y tourbillonnent et les crises internes qui déteignent sur le foyer.
- Auteur : Jonathan Franzen
- Editeur : Editions de l’Olivier
- Genre : Roman
- Nationalité : Américaine
- Traducteur : Olivier Deparis
- Titre original : Crossroads
- Date de sortie : 23 septembre 2022
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
L'a lu
Veut le lire
Résumé : Nous sommes en 1971, à la veille de Noël, la météo annonce une importante perturbation. Russ Hildebrandt vit avec sa femme, Marion, et leurs enfants dans une banlieue cossue de Chicago. Pour ce pasteur libéral, l’attirance qu’il ressent à l’égard d’une jolie paroissienne est un vrai cas de conscience. À ses tourments s’ajoute l’arrivée de Rick Ambrose, le jeune pasteur cool qui cherche à l’évincer à la tête de l’association de jeunes qu’il a créée. Soudain, tout s’accélère... La guerre du Vietnam fait rage, la contestation s’étend, les enfants s’émancipent, la musique change. Sex, drugs & rock’n’roll.
Critique : Comme dans ses autres romans, Jonathan Franzen s’immisce dans l’esprit de ses héros, fait d’eux des focalisateurs pour mieux s’effacer, malgré son ton railleur qui se devine souvent. Une famille est encore une fois au centre de tout, les relations qui les lient n’étant pas sans rappeler les foyers précédemment créés par l’auteur. Les mères sont névrosées et névrotiques, étouffantes mais aussi absentes, comme dans Les Corrections et Phénomènes naturels ; les frères et sœurs se déchirent, entre instincts protecteurs et jalousies maladives, si semblables aux fratries Holland et Lambert ; les mariages battent de l’aile ; les avortements ont un coût – moral, monétaire et physique – trop élevé ; la nature est dévastée par l’Homme, comme toujours – et l’entreprise pétrolière qui fracture la terre est originaire de Peabody, comme dans le deuxième livre de Franzen.
Les Hilderbrandt sont six, mais ce sont cinq d’entre eux qui ouvrent leur cœur au lecteur – Russ et Marion, les parents, et les trois aînés, Clem, Becky et Perry. Pasteur, Russ se débat avec sa haine pour le nouveau dirigeant de Crossroads, l’association de jeunes chrétiens de sa paroisse, avec son désir réprimé depuis des années et son dégoût pour sa femme, obèse. Celle-ci est aux prises avec son passé de (triple) victime et avec ses régimes incessants, ré-embrassant finalement ses cigarettes pour mieux maigrir. Clem veut se prouver à lui-même qu’il vaut mieux que son pleutre de père, quitte à prendre des risques insensés. Becky, la préférée de Russ, jolie et populaire, est amoureuse. Perry, le surdoué de la famille, fume beaucoup trop, boit, mal à l’aise avec sa famille, avec lui-même, mais veut mieux faire – mal-être d’adolescent. Ces micro-crises de missionnaires en puissance – souvenons-nous des Altruistes, tout aussi faussement bons – ont pourtant tout de séismes intérieurs tant Jonathan Franzen parvient à se saisir des tourments de l’âme humaine, aussi dérisoires soient-ils. Ils rendent insignifiant le contexte, la Guerre du Vietnam, la lutte pour les droits civiques, le racisme, en réalité présents pour souligner les dilemmes de ces cinq personnages, à la croisée des chemins, attirés par le péché autant que par la promesse de bien-être induite par les bonnes actions. Ancré en 1971, Crossroads se sert ainsi de références qui font date, d’une vague ambiance héritée des clichés de cette période, pour animer des hommes et des femmes construits, habités par des conflits complexes – bien que finalement si singuliers, si petits à l’échelle du monde – les tiraillant entre le bien et le mal.
L’auteur n’a pas de compassion pour ses héros, ce n’est pas nouveau. Satiriste de renom, il les malmène et laisse le doute les envahir, leurs exégèses malheureuses les sauvant presque de leur culpabilité de pécheurs invétérés. Les réflexions dogmatiques imprègnent ce livre, tourmentant les protagonistes tout autant que d’autres sujets bien plus dérisoires. Par ailleurs, les addictions sont au cœur de ce roman familial – drogue, amour ou désir, religion se disputent l’attention des cinq focalisateurs qui tâchent également de se supporter les uns les autres. Les crises personnelles rentrent en collision avec les crises du foyer, chaque électron menaçant de faire imploser les Hilderbrandt, cette famille nucléaire – mais peut-être la détonation sera-t-elle désamorcée dans le deuxième tome de cette trilogie en devenir, quoique cela reste peu probable...
Jonathan Franzen - Crossroads
L’Olivier
145 × 220 mm
704 pages
26,00 €
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.