Le 8 juin 2019
Un documentaire passionnant, qui s’intéresse à la crise des migrants, pour élargir son propos aux injustices provoquées par les logiques néo-libérales d’un monde globalisé.


- Réalisateurs : Rosa Pérez Masdeu, - Sofia Catala Vidal
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Espagnol
- Date de sortie : 6 juin 2019

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Résumé : Le documentaire pose la question : " Qu’y a-t-il derrière la forteresse Europe ? ”. Le film se penche sur l’instrumentalisation du discours antiterroriste pour comprendre qui bénéficie, politiquement et économiquement, de la fermeture des frontières de l’Union européenne.
Notre avis : Ce documentaire, très didactique, sans être d’une pesante érudition, s’intéresse d’abord à la crise des migrants. Issue d’un contexte international difficile -on pense bien évidemment à la guerre en Syrie, mais il y a d’autre pays-, cette crise a été accélérée par le durcissement des politiques occidentales vis-à-vis de l’immigration, la menace d’attentats ayant permis d’instrumentaliser les décisions prises au niveau européen, en amalgamant immigration et terrorisme. On savait, depuis le 11 septembre, que la lutte contre le djihadisme avait engendré les lois liberticides du Patriot Act. Colis suspect va plus loin, en évoquant les fondements mêmes des atteintes aux droits de l’homme, c’est-à-dire les intérêts économiques, qui se cristallisent dans le développement d’un véritable business de la sécurité migratoire (c’est l’expression de Claire Rodier, avocate et co-fondatrice de L’Observatoire des Migrations), la sûreté des citoyens n’étant que la caution d’une intention beaucoup plus sournoise : l’amélioration de la compétitivité de l’industrie européenne, en matière de sécurité. Ces ingérences des logiques néo-libérales sont factuellement illustrées par des groupes consultatifs, auxquels participent des responsables de firmes qui fournissent du matériel (sic), alimentant ainsi des pays très prompts à renforcer leurs frontières extérieures, comme la tristement célèbre Hongrie de Viktor Orbán. De nombreuses entreprises d’armement se sont enrichies en exportant des armes vers les pays en guerre, aidant à la fois les gouvernements et les opposants, contribuant à maintenir dans un certain nombre de territoires, notamment africains, une situation de chaos, provoquant l’exil des populations civiles.
Les victimes sont évidemment ces milliers de réfugiés. Quelques-uns d’entre eux témoignent dans le documentaire, évoquent, par la narration d’un parcours, l’impact désastreux de ces politiques anti-migratoires : qu’il s’agisse d’un poète soudanais, exilé de Libye, activiste pour les droits des sans-papiers, d’une étudiante syrienne réfugiée ou d’un ingénieur du même pays, tous deux en Allemagne, chacun, chacune raconte ce qu’il a perdu, l’éloignement de leurs proches, la mise en danger de leur existence.
Les pays occidentaux, enfermés dans des logiques financières ou électoralistes, considèrent toujours la question de l’immigration à part, sans voir que la mondialisation économique génère des inégalités criantes, des violences et des systèmes d’exploitation partout sur la planète. Et un certain nombre d’universitaires, commentant cette configuration scandaleuse, rappellent que chaque situation entropique permet à la fois de cristalliser les peurs sur des figures monstrueuses et de réduire l’opposition à des mesures prises, qui s’attaquent à des droits fondamentaux (droit du travail, droits syndicaux, privatisation des services publics), de sorte que les citoyens s’habituent à vivre avec de moins en moins de libertés, sous un contrôle accru de leurs faits et gestes. A l’horizon s’amoncellent de gros nuages noirs : l’islamophobie induite par le grand tournant sécuritaire post-11 septembre, rencontre les intérêts capitalistes d’un monde globalisé, où la référence demeure toujours la vision ethno-centrée des pays occidentaux. La conclusion est implacable : les réfugiés sont indésirables, parce qu’ils heurtent la bonne conscience des pays les plus riches et des politiques iniques qu’ils mènent depuis des années.