Les écrivains d’aVoir-aLire
Le 5 janvier 2005
Sans tirer sur la corde sensible, Carole Zalberg pose les mots les plus justes sur une tragédie du déracinement.

- Auteur : Carole Zalberg
- Editeur : Phébus
- Genre : Roman & fiction

L'a lu
Veut le lire
Un classement à part, pas de notation, un ton un peu différent puisque nous chroniquons, dans cette rubrique des "Écrivains d’aVoir-aLire", des auteurs que nous connaissons (trop) bien et que nous apprécions en tant qu’amis et confrères au sein de la rédaction de notre magazine.
Vous les connaissez, vous connaissez leurs goûts... Nous, on ne veut pas vous influencer, mais si vous aimez les mêmes livres qu’eux, vous aimerez aussi leur livre.
S’il fallait définir notre amie Carole Zalberg en quelques mots, nous dirions volontiers "réserve" et "élégance" pour expliciter cette politesse du cœur qui l’accompagne en tout instant et qui vibre avec force dans ce roman, son troisième. Chez eux s’attache à une histoire qui lui est proche, celle de sa propre mère, petite juive polonaise, qui fut, pendant la dernière guerre, une de ces enfants cachées, sauvées, miraculées peut-être. Mais à quel prix ?
Pas à pas, Carole accompagne sa mère Anna dans le déchirement qui fut le sien, petite fille séparée de sa famille, placée, grâce à un de ces extraordinaires réseaux protestants, dans une ferme de Haute-Loire. L’apprentissage est inhumain. Comment survivre lorsqu’on a été "le bijou, la perle rare" d’une Mamele parfumée et que soudain l’on se réveille dans une enfance dévastée ? Que l’on est confrontée "à l’abîme guettant chaque vie" ? Non qu’ils soient méchants, ces paysans qui l’ont recueillie, mais d’une rudesse à ne pas croire. Alors la fillette se transforme en roc de courage. Sanglots ravalés et tête haute, elle n’est plus qu’une sorte de poupée mécanique, somnambule de sa propre vie. Elle aurait perdu pied, c’est certain, si n’avait existé, au village, une présence lumineuse, sa maîtresse d’école dont l’exigence morale n’a d’égal que l’attention aux autres. Des qualités qui ont fait leur chemin dans le cœur sens dessus dessous de la petite Anna, l’ont tenue debout à travers ce chaos indicible. Et qui sont allées, par le mystère des transmissions dites et non dites, jusqu’à celui de sa fille.
Sans tirer sur la corde sensible, Carole Zalberg pose les mots les plus justes sur cette tragédie du déracinement et de la perte dont elle porte elle-même encore les traces. En réinventant la vérité - puisqu’il s’agit d’un roman -, elle prouve l’indéniable force de la fiction et, plus encore, son caractère indispensable, salvateur. L’écriture, c’est la vie.
Carole Zalberg, Chez eux, Phébus, 2004, 128 pages, 12 €