Le 29 juin 2017
Il ne faut pas se fier aux apparences d’une bande-annonce crétine.
- Réalisateur : Sou Abadi
- Acteurs : Anne Alvaro, William Lebghil, Félix Moati, Camélia Jordana
- Nationalité : Français
- Distributeur : Mars Distribution
- Durée : 1h28mn
- Date de sortie : 28 juin 2017
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Résumé : Armand et Leila forment un couple de brillants d’étudiants à Science-Po, bien qu’ils soient issus de milieux socio-culturels différents. Leur relation et leurs projets de voyage sont brutalement compromis par Mahmoud, le frère de Leila, qui est revenu du Yémen endoctriné à l’islam radical et enferme sa sœur dans leur appartement. Pour voir sa dulcinée, Armand n’a d’autre choix que se déguiser, mais le stratagème va se retourner contre lui.
- (C) (C) Mars Distribution
Notre avis : « La comédie qui ose », c’est sous cet argument provocateur que nous est vendu Chercher la Femme. Il est vrai que l’islamisme est désormais un phénomène de société incontournable mais le contexte des attentats commis en son nom rendait difficile de lui accorder un traitement cinématographique autre que le drame dénonciateur (Le ciel attendra) ou le thriller paranoïaque (Made in France). Après tout, avoir peur d’en rire revient à accorder une victoire aux partisans de la terreur. Même en Angleterre, où fut réalisé l’excellent We are Four Lions en 2010, la crispation de la situation laisse difficile à envisager de revoir une comédie autour du thème du djihadisme. En France, où la tradition est davantage celle du vaudeville que de la satire, l’approche du sujet semblait plus délicate encore. Du coup, quand nous est arrivée la bande-annonce de ce qui avait tout l’air d’une farce grivoise sur un homme dissimulé sous une niqab (le souvenir douloureux de Jacky au royaume des filles reste présent) et son beau-frère radicalisé (incarné par un ancien de Soda), il semblait évident que le mauvais goût allait rendre l’essai imbuvable. La distribution entièrement basée sur les blagues lourdaudes autour de ce déguisement dissimule pourtant une œuvre plus subtile et donc, à sa modeste échelle, un pied-de-nez aux terroristes.
- (C) Elsa Seignol
Revendiquant la référence à Certains l’aiment chaud, Sou Abadi a donc bâti son premier film autour de cet effet comique du déguisement qui a déjà prouvé qu’il pouvait être la source de bon nombre de quiproquos irrésistibles (c’est après tout la base de Rabbi Jacob, incontournable classique de la comédie populaire française), mais son écriture est loin de rechercher le gag facile et la punchline marquante à tout prix. Loin de la gaudriole lourdingue tant redoutée, son scénario joue sur la dichotomie entre, d’une part, une interprétation extrémiste et rétrograde du Coran et, d’autre part, la vision plus libertaire des valeurs orientales, source de poésie et d’évasion, bien qu’elle-même inspirée des versets coraniques. Ce point de vue éclairé, que va (brièvement) défendre le personnage de Félix Moati, se retrouve à l’origine de certaines lignes de dialogues intelligemment écrits même si le didactisme de la mécanique peut aussi, à long terme, être pesant.
- (C) Elsa Seignol
L’autre réussite de Sou Abadi est de ne pas avoir sur-caractérisé ses personnages au point d’en faire des caricatures purement grotesques. Même celui de Mahmoud, parce son parcours est réaliste et qu’il éprouve des doutes jusqu’à remettre en question l’endoctrinement de ses amis ; c’est un personnage plus profond qu’il n’y parait. D’autres figures socio-culturelles que les jeunes de banlieue sont fort heureusement présentes, notamment les bobos idéalistes de Science-Po et les anciens révolutionnaires embourgeoisés. La finesse avec laquelle la réalisatrice dépeint ces individus prouve qu’elle parle de ce qu’elle connaît personnellement, et la mélancolie dégagée par le générique d’ouverture ne laisse aucun doute quant au caractère intime de son écriture. Pourtant, malgré une délicate intention, son récit souffre de failles symptomatiques de son manque d’expérience. Davantage que de vulgaires fautes de goût, le film pâtit donc d’invraisemblances ne servant qu’à alimenter les situations comiques (Armand a-t-il sincèrement besoin d’aller à l’école en niqab ?), de la non-exploitation de certains sujet à peine évoqués (la rupture entre sunnites et chiites aurait pu être tellement mieux traitée !) et surtout de sa conclusion facile et bâclée qui ne résout pas la question du devenir de ses personnages les plus tourmentés.
- (C) Elsa Seignol
On pourra donc regretter que ne soient pas menés jusqu’au bout les arcs narratifs de ces individus pour lesquels on se surprend à se prendre d’affection. En leur cœur, l’improbable triangle amoureux formé par Camélia Jordana, Félix Moati et William Lebghil fait preuve d’une remarquable spontanéité, et la fable absurde conçue par Sou Abadi se révèle pleine de bonnes idées. Son premier long-métrage est donc une bonne surprise malgré le gout d’inabouti qu’il laisse derrière lui.
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