Céleste "Bien sûr Monsieur Proust" Partie 1 - Chloé Cruchaudet - la chronique BD

Et si l’on racontait Proust à sa manière, en un condensé de souvenirs qui font affleurer les sensations, en croisant la chronologie avec un moment du temps présent, celui où le passé peut émerger, même s’il est tantôt un peu confus, tantôt très clair ? Cette question, Chloé Cruchaudet se l’est assurément posée au moment de croiser ses sources, essais, vidéos, podcast qui dressent une esquisse du dandy Marcel Proust, mais aussi de sa gouvernante Céleste. C’est à travers elle, son ressenti face à quelques moments qui ont transpirés d’une étoffe, d’un objet que Céleste retrouve au crépuscule de sa vie les réminiscences qui ont fait le cœur de la Recherche. Face à un couple d’antiquaires obséquieux, la dame n’a pas besoin de beaucoup pour se replonger dans ce Paris de 1914 où la guerre est absente, seulement un geste pour se souvenir, et l’on assiste à un ballet de mots où le texte d’un Côté de Guermantes vient s’accrocher à une déclaration de Celestine...

© Soleil / Cruchaudet

Pour conduire ces effluves de souvenirs, car les parfums ont une importance capitale dans cette première partie, le dessin s’appuie sur une envie double, celle de ne pas tomber dans une caricature proustienne, sans trop dévoiler ce Monsieur Proust, qui reste absent durant une bonne partie de l’album, mais aussi l’envie de s’approprier cette narration, de la rendre charnelle, sensation, et donc de laisser divaguer les traits et les couleurs, comme pour s’échapper au moment où tout deviendrait trop réel, trop détaillé, trop précis. Splendide donc, léché aussi, le style diffère une fois encore de chacun des autres albums de Chloé Cruchaudet, comme si elle s’impregnait de l’atmosphère de ce qu’elle veut créer ou recréer et se l’appropriait pleinement.

© Soleil / Cruchaudet

Envoûtante biographie qui fait revivre le style de Marcel Proust dans une bande dessinée, cet album est une belle aventure littéraire et graphique.