Ce n’est qu’un début - La critique

La philosophie n’attend pas le poids des années comme l’expérimente une enseignante de maternelle auprès de ses petits élèves. Une jolie leçon.

L’argument : Ils s’appellent Azouaou, Abderhamène, Louise, Shana, Kyria ou Yanis, ils ont entre 3 ans et 4 ans quand ils commencent à discuter librement et tous ensemble de l’amour, la liberté, l’autorité, la différence, l’intelligence... Durant leurs premières années de maternelle, ces enfants, élèves à l’école d’application Jacques Prévert de Le Mée-sur- Seine, dans une ZEP de Seine-et-Marne, ont expérimenté avec leur maîtresse, Pascaline, la mise en place d’un atelier à visée philosophique.
Plusieurs fois par mois, assis en cercle autour d’une bougie allumée par Pascaline, ils apprennent à s’exprimer, s’écouter, se connaître et se reconnaître tout en réfléchissant à des sujets normalement abordés dans le système scolaire français en classe de... terminale. Il n’y a plus de bon ou de mauvais élève lors de ces moments privilégiés : juste de tout jeunes enfants capables de penser par eux-mêmes avec leurs mots à eux, plein de spontanéité, de bon sens et de poésie.

Notre avis : La séance commence par le rituel de l’allumage d’une bougie. Un groupe d’enfants de 3-4 ans est assis en cercle autour de l’objet, leur maîtresse installant progressivement le silence. Pendant deux ans, la caméra de Jean-Pierre Pozzi et Pierre Barougier a suivi ces tous-petits dans leur initiation à la philosophie. Leur enseignante pose une thématique différente à chaque séance et les laisse s’exprimer à leur guise, librement, sur des sujets aussi variés que l’amour, la mort, la différence, la liberté... Les propos sont surprenants, parfois étonnamment matures pour des bouts d’chous, d’autres sont très drôles. Tous assurément frappés au coin du bon sens.

Ce documentaire sur l’expérimentation pédagogique d’une enseignante n’est pas accompagné d’une voix-off. Les enfants (et quelques adultes jouant un rôle prépondérant dans leur existence) sont les seuls intervenants du long-métrage. La philosophie représente pour ces tous petits une première expérience de débat commun ; elle est un vecteur d’expression et de développement de leur personnalité. Le début du film peine à démarrer, tout comme les enfants ont du mal à s’exprimer lors des premières séances. Mais, dès lors qu’ils ont le déclic et qu’ils osent s’exprimer, Ce n’est qu’un début prend de l’ampleur et l’on est témoin de vraies scènes de vie ; les réflexions fusent, pertinentes. Il est ô combien surprenant de relever le degré de sensibilité des plus jeunes qui perçoivent le monde. Avec leurs mots à eux, ils sont tout à fait capables de comprendre la mixité sociale et les différences entre les individus, par exemple. Là encore, les auteurs n’apposent pas de discours surfait sur les paroles des enfants qui parlent d’elles-mêmes.

Si l’on est bien dans un format documentaire, il y a bel et bien des personnages auxquels on s’attache. Comment ne pas s’attendrir devant le petit Abderramène, obsédé par les policiers qui viennent arrêter les gens chez eux, ou face à Louise, « grande gueule » de 5 ans, mais sacrément percutante d’intelligence et de sensibilité ? Ce n’est qu’un début n’a rien d’un documentaire pédagogique, il est le témoin d’une expérimentation ; c’est en cela qu’il apporte un regard et un vrai point de vue sur l’enseignement qui s’éloigne du scolaire pour toucher les possibles de chaque personnalité. On en ressort ému.

La bande-annonce : ICI