Trash Low Cost
Le 17 octobre 2018
Propager l’argument « violence insoutenable » que l’on accole à ce film, qui n’a de choquant qu’un crâne explosé, deux enfants abattus d’une balle et un amoncellement de cadavres surgelés, serait une grande victoire de la bien-pensance. La seule chose d’insoutenable, c’est assurément sa vacuité.
- Réalisateur : Lars von Trier
- Acteurs : Uma Thurman, Matt Dillon, Bruno Ganz, Siobhan Fallon Hogan, Sofie Gråbøl
- Genre : Thriller, Trash
- Nationalité : Français, Suédois, Danois
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 2h35mn
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 17 octobre 2018
- Plus d'informations : Acheter ici
- Festival : Festival de Cannes 2018
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Nous suivons le très brillant Jack à travers cinq incidents et découvrons les meurtres qui vont marquer son parcours de tueur en série. L’histoire est vécue du point de vue de Jack. Il considère chaque meurtre comme une œuvre d’art en soi. Alors que l’ultime et inévitable intervention de la police ne cesse de se rapprocher (ce qui exaspère Jack et lui met la pression) il décide - contrairement à toute logique - de prendre de plus en plus de risques. Tout au long du film, nous découvrons les descriptions de Jack sur sa situation personnelle, ses problèmes et ses pensées à travers sa conversation avec un inconnu, Verge. Un mélange grotesque de sophismes, d’apitoiement presque enfantin sur soi et d’explications détaillées sur les manœuvres dangereuses et difficiles de Jack.
Notre avis : Peu de réalisateurs ont assez d’influence sur le Festival de Cannes pour avoir l’audace de demander à ses organisateurs de ne pas faire précéder leur film du mythique logo de Evènement. C’est pourtant ce qu’a réussi à imposer Lars von Trier qui, il y encore quelques mois, y était qualifié de persona non grata. Mais le Danois y génère toujours un engouement de la part de nombreux festivaliers, pour beaucoup déjà acquis à sa cause, et on devine aisément la volonté de Thierry Frémaux de faire le buzz en sélectionnant le film, hors compétition.
That House That Jack Built est pourtant loin d’avoir de quoi se prétendre aussi scandaleux que ses récents Antechrist et Nymphomaniac. Et pourtant, c’est sur cet argument que s’est construit la hype dans les jours précédents sa première mondiale. Il n’empêche que, à la vue du résultat, ce récit d’un serial killer incarné par Matt Dillon n’a à offrir de plus violent que quelques crimes, certes sanglants mais sans que l’on puisse les qualifier de gore ou alors sans en montrer assez pour nous permettre raisonnablement de nous en offusquer. Étirer la durée de ses scènes de meurtres semble être le seul artifice qu’il lui reste pour mettre, comme il aime tant le faire, les spectateurs mal à l’aise. Le reproche que l’on pouvait faire à von Trier de faire de la pure provocation n’est donc plus viable, son cinéma s’étant grossièrement aseptisé.
- © 2018 Zentropa & Christian Geisnaez. Tous droits réservés.
Même les détracteurs du cinéaste ne peuvent nier que ses récentes surenchères anticonformistes s’accompagnaient de recherches formelles audacieuses, dont le summum a été la poésie graphique de son Melancholia. Mais That House That Jack Built n’a, là aussi, que très peu à proposer. La construction en chapitres, l’usage d’une voix off explicative et les autres effets de montage qu’il y propose, ne sont tous rien d’autre que des redites de ses précédents long-métrages, que Lars von Trier reproduit avec une arrogance plus dérangeante que la violence des crimes qu’il expose. Et ce n’est certainement pas, tel qu’on le voit essentiellement dans le dernier acte, le détournement de symboles chrétiens, mêlé à une réappropriation du mythe de Faust, pour se donner une soi-disant profondeur mystique, qui pourront encore surprendre le public, tant on est loin de la puissance évocatrice d’Antechrist. La seule véritable idée de Lars von Trier dans son nouveau film est d’avoir recyclé des images de ses propres films, en les superposant à un discours essayant de le dégager de toute culpabilité vis-à-vis des reproches de violence et de misogynie qui lui furent fait à l’occasion de leur sortie.
That House That Jack Built est ainsi dans un entre-deux, fruit d’un réalisateur qui, au prétexte du motif déjà surexploité du serial-killer, essaie tout à la fois de mettre de l’eau dans son vin pour se réconcilier avec ses adversaires -à commencer par les censeurs qui rendirent le director’s cut de Nymphomaniac difficile d’accès- tout en offrant à ses fans assez de ses gimmicks pour s’en satisfaire. Une hypocrisie détestable que l’auteur danois ne parvient pas à dissimuler derrière la moindre proposition novatrice, ni sur le fond ni sur la forme. Mais sa popularité auprès des festivaliers lui a permis de s’offrir, cette années encore, à Cannes, une belle caisse de résonance et déjà la polémique que suscite son accueil en fait l’un des principaux sujet de conversation sur la Croisette et, dans le reste de la France, une attente. Le réalisateur a encore une fois réussi son coup médiatique... à défaut de réussir son film.
LE TEST BLU-RAY
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.