Bluff
Le 7 décembre 2005
Une lecture personnelle du mythe grec obscurcie par une réalisation un peu prétentieuse qui a du mal à faire sens.


- Réalisateur : Wim Vandekeybus
- Genre : Expérimental
- Nationalité : Français, Belge

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– Durée : 55mn
– Le site du film
Une lecture personnelle du mythe grec obscurcie par une réalisation un peu prétentieuse qui a du mal à faire sens.
L’argument : Une exploration de l’inconscient sauvage, des forêts mythiques, des impulsions contradictoires, de l’imaginaire, où le corps a ses raisons que la raison ignore. Attractions, confrontations, répulsions, des histoires se tissent où les frayeurs et désirs prennent les traits de métamorphoses animalières. D’Orphée et d’Eurydice...
Notre avis : Film dansé, spectacle filmé, expérience cinématographique, Blush apparaît pour ce qu’il est, un film expérimental. Le parcours de Vim Vandekeybus nous ramène obligatoirement à cette notion de marge. L’image et la danse comme deux sources d’une création artistique qui se réclame d’influences aussi violentes que Jan Fabre, avec qui il travaillera pendant deux ans.
Blush se revendique comme réinterprétation du mythe d’Orphée et Eurydice. Dans la réalité d’une salle de cinéma, les choses sont sensiblement différentes. Pendant une heure, pratiquement sans paroles, dix danseurs vont exprimer des concepts assez obscurs dans une nature que l’on devine bienveillante quoique pervertie par la violence de l’homme, ou de l’animal puisque les danseurs jouent sur les deux tableaux. Le réalisateur exprime avec vigueur son horreur du cliché. On est donc, a priori, dans l’originalité à tout crin. Le problème est que le propos en perd toute son intelligibilité, et que les symboles, s’ils n’évoquent pas de façon très limpide le mythe grec, se raccrochent par contre à un certain cinéma des années 70, à une époque où transgression et performance n’étaient pas de vains mots. Impossible de ne pas avoir en tête, lors de la scène du banquet où une jeune femme "boira" une grenouille mixée, une autre scène, celle du rebirth dans Sweet movie de Dusan Makavejev, en 1974, où la violence des corps s’exprimait avec infiniment plus de force et de pertinence. De même, la scène de l’enterrement fait aussi écho à un autre cinéma, celui de la période chorégraphique de Carlos Saura, où le corps incarne l’émotion et la restitue, sans chercher la performance gymnique.
Peut-être faut-il voir dans ces expériences artistiques un reflet de notre société. Quand l’expression se nivelle, quand la censure, insidieuse, se donne des noms d’emprunt, quand l’art s’officialise pour pouvoir survivre, il est peut-être normal que le principe même de la transgression y perde de son sens pour osciller entre pochade de carabins et caprice d’intello. Rodrigo Garcia le prouve à chacun de ses spectacles, sans vouloir entendre que la scatologie est une revendication prépubère, à moins d’y mettre du sens, mais il faudrait s’appeler Arrabal. Qui prendrait aujourd’hui le risque de produire Sweet movie, de publier Titus Andronicus, ou même, de réaliser Tout le monde il est beau tout le monde il est gentil ? On a un peu le sentiment d’une jeune génération d’artistes déconnectés de l’âge d’or d’une création à la fois subversive et militante sans pour autant tomber dans la pesanteur didactique, et qui s’éparpillent dans des tentatives vaines ou prétentieuses qui n’ébranleront jamais la République.
Alors Blush est peut-être à voir comme le témoignage d’une décadence fin de siècle, la recherche pathétique d’une nouvelle forme d’expression qui pourrait enfin s’affranchir de son héritage et inventer, comme au premier jour, l’instrument de son émancipation.