Le 3 juin 2017
Les Rayburn brûlent, et Bloodline se pète les rotules.
- Acteurs : John Leguizamo, Kyle Chandler, Sissy Spacek, Linda Cardellini
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Américain
- Date de sortie : 26 mai 2017
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Résumé : Les Rayburn sont des gens comme vous et moi : un hôtel prospère sur une île paradisiaque, une réputation à toute épreuve, une fratrie unie... à première vue, ils ont tout de la famille idéale. Oui mais voilà, les apparences sont parfois trompeuses et personne n’échappe à sa part d’ombre. Quand l’un des enfants perdu de vue depuis longtemps regagne le foyer, des secrets enfouis sous le poids des années menacent de refaire surface. Et si le sang qui coule dans les veines des Rayburn les soudait finalement moins que celui qu’ils ont sur les mains ?
Notre avis : Jusque là, Bloodline s’était constitué un très solide squelette, un récit autour duquel s’articulait des personnages complexes tout en étant assez merveilleusement écrit pour donner cette impression de les connaître malgré tout. Cependant, dans sa conclusion, volontairement abrégée par Netflix (les showrunners désiraient 3-4 saisons en plus, Netflix leur en a accordés qu’une troisième), la série acclamée par les critiques (à raison) s’effondre quelque peu, perd son équilibre par une diminution de la fluidité de sa narration, à l’origine de sa grande force. De cette fluidité (certains parlaient de lenteur) naissait cette compassion vis-à-vis de chaque protagonistes de cette tragédie familiale, même si antagonistes entre eux, et cette compréhension de leurs défauts. Pour cette dernière saison, les Rayburn déraillent complètement, en même temps que cette ambivalence dans l’écriture. Devant l’obligation d’accélérer son processus de déroulement du récit, Bloodline condense, accumule les scènes-clés mais sans les étoffer par la densité passée du show. Si bien que, même si la volonté des showrunners se dirige dans ce sens, plus aucune empathie n’est éprouvée à l’égard de ces personnages et notre opinion jusque là contrastée les concernant se dégrade au profit d’une plus tranchée et unilatérale. Ainsi, Kevin, devant l’immensité de la bêtise de ces actions, passe d’un personnage faible et impulsif dans les deux premières saisons à un sombre crétin plus naïf qu’une souris se croyant à l’abri dans le panier d’un chat (et vu l’intelligence de sa femme, on peut dire qu’ils se sont bien trouvés...).
- Copyright : Netflix
On pourrait pleinement apprécier la révélation de la personnalité de chacun si la dislocation de cette famille que l’on ne comprend plus tellement appelait à des émotions moins manichéennes que le dégoût et l’agacement, quand le personnage de Eric O’Bannon s’accapare le soutien du spectateur dans son rôle de bouc émissaire parfait. La machine émotionnelle s’enraye et Bloodline affiche un intérêt atrophié, malgré des fulgurances venant des différents personnages, alors que les deux premiers épisodes flirtaient pourtant avec la subtilité habituelle de la série. En étalant sur 1h40 la nuit suivant la mort d’un des personnages, la série Netflix déroule remarquablement son atmosphère pesante aux allures d’ultimatum pour les « enfants » Rayburn, révélateur dans le danger des traits de caractère individualiste et agressif de chacun. Dans ce climat orageux (la sublime photographie s’assombrit encore un peu plus dans cette saison 3) et dans la continuité des épisodes précédents, John passionne par sa tentative de fuir sa famille nauséabonde pour qui il a tout donné, si bien que son retour dans les Keys amorce une autodestruction latente d’autant plus tragique qu’elle s’opère en pleine connaissance de cause. Si l’évolution du personnage incarné par le toujours excellent Kyle Chandler connaît des faiblesses, elle souffre cependant moins que les autres de cet empressement marquant ces 10 derniers épisodes, et se dote parfois de grands moments, aussi courts soient-ils, comme ce dernier plan de l’épisode 6, glaçant. Même dans la trop longue rupture narrative de l’avant-dernier segment et de la grosse facilité qui en découle dans le dixième, John garde son intérêt dans la manière qu’il a de tout encaisser venant de sa famille, le détestant lorsqu’il se trouve dans l’incapacité de les aider, l’aimant lors du contraire, au risque d’imploser lentement.
- Copyright : Netflix
Cette injustice qui certes manque d’impliquer totalement le spectateur centralise le propos de cette troisième saison, très rentre-dedans lorsqu’il s’agit de déconstruire le portrait d’une famille idyllique par l’omniprésence de conflits et de dialogues explicites quant à la nature des relations de chacun. Face à une telle entreprise, débutée en particulier dans la seconde moitié de la saison 2 (et son final surtout), Bloodline boucle précipitamment certains axes, bâcle en particulier celui de Meg, à la finalité improbable, afin d’amener une terminaison à chaque sort des personnages, trop nombreux pour éviter les facilités. En accumulant les scènes-clés pour acculer cette famille sans les enrober avec la même efficacité d’une dimension psychologique et émotionnelle, le drama rencontre ce paradoxe de moins captiver tout en étant plus rapide dans son déroulement. Suite à son bijou de saison 2, qui la plaçait comme probablement la meilleure série Netflix jusqu’alors, Bloodline a connu cette malchance de subir les directives économiques du service de streaming (qui s’est également séparé de The Get Down et Sense8 ces dernières semaines). Malheureusement sans grande surprise compte tenu de l’ambiance lancinante déployée par les showrunners, la densité n’a pas survécu à cette tranche de temps fortement réduite pour conduire le sort des Rayburn vers sa fin. Moins soignée dans son écriture, plus manifeste dans ses écueils, plus perceptible dans ses mécanismes narratifs, les contraintes imposées par Netflix ont eu raison de la profondeur de la série. Une conclusion en forme de sortie de route.
- Copyright : Netflix
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