A nous de vous faire préférer le train
Le 13 février 2019
Une peinture percutante de l’Irak, et pourtant optimiste, qui, en axant sa narration sur le développement psychologique de son personnage de terroriste, se révèle émouvante.


- Réalisateur : Mohamed Al-Daradji
- Acteurs : Zahraa Ghandour, Ameer Jabarah
- Genre : Drame
- Nationalité : Irakien
- Distributeur : Contre Courants
- Durée : 1h22mn
- Titre original : Al Rahal (et The Journey en anglais)
- Date de sortie : 20 février 2019

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Résumé : Baghdad 2006. Le jour de l’exécution de Saddam Hussein, Sara se rend à la gare centrale de Baghdad avec l’intention de commettre un attentat suicide. Un funeste projet qui sera compromis par sa rencontre avec Salam, un vendeur charmeur, baratineur et sûr de lui. Alors qu’il devient l’otage du plan confus de Sara, Salam tente par tous les moyens de faire chanceler sa résolution. Il en appelle à son humanité pour sauver sa peau bien sûr, mais aussi la vie des passants, inconscients du danger qui les guette.
Notre avis : Il y a quelques semaines, les deux films consacrés à la tuerie d’Uttoya ont lancé un débat sur la représentation des attentats au cinéma, en prenant le point de vue de témoins, pendant ou après la fusillade. La proposition que nous fait aujourd’hui Mohamed Al-Daradji est bien plus audacieuse puisqu’il choisit, en guise de personnage principal, la terroriste qui s’apprête à faire exploser une bombe au milieu de la foule. Dès la scène d’ouverture, c’est donc à travers ses yeux que l’on dévisage ses potentielles victimes, plaçant le spectateur dans une position particulièrement inconfortable. Pourtant, le développement de l’observation que Sara fait de ses compatriotes va peu à peu dévoiler la part d’humanité de cette djihadiste, brisant ainsi la représentation ultra manichéenne convenue. C’est en particulier dans le rapprochement affectif entre la terroriste et un charmant businessman, selon un schéma certes très prévisible, que le public peut se surprendre à s’identifier en elle.
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Même si le scénario laisse un flou sur le passé de Sara et le processus intérieur qui l’a amené à son attentat-suicide, il réussit à élaborer avec une certaine sensibilité un cheminement inverse, en nous faisant suivre au plus près sa libération de l’emprise des commanditaires meurtriers. La prestation de Zahraa Ghandour, connue en Irak en tant que présentatrice d’une émission de documentaires, joue pour beaucoup dans la réussite de cette évolution. Le soin tout particulier que le réalisateur donne à l’observation des enfants qui peuplent la gare de Bagdad est symptomatique du message d’espoir qu’il veut créer alors même qu’il choisit comme contexte la période où l’avenir de son pays était la plus incertaine. L’exemple des soldats américains qui, pourtant à travers le regard d’une djihadiste radicale, font preuve d’humanité en dit long de l’optimisme, voire de la candeur, qui se dégage lourdement du film et de sa galerie de personnages parfois caricaturaux. Et pourtant, la bonne idée de clore un tel scénario et ses facilités par une fin ouverte permet à Al-Daradji d’assurer une peinture percutante de l’Irak.
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