Le 14 avril 2024
- Scénaristes : Pierre-Roland Saint-Dizier>, Pierre Benazech>
- Dessinateur : Eliot
- Genre : Chronique sociale, Anticipation
- Editeur : Ankama
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 12 avril 2024
Pierre-Roland Saint-Dizier et Pierre Benazech ont écrit à quatre mains cette BD qui nous dresse un portrait glaçant d’un avenir pas si éloigné que cela de notre société. Eliot a dessiné cette BD, créant les ambiances sombres et les personnages perdus dans les technologies de cette dystopie.
Résumé : {Avenir} suit une famille, dont la grand-mère est accro au casque virtuel. Mais le cœur de l’histoire tourne autour de Matt, un jeune garçon que l’IA a identifié comme pouvant développer des comportements potentiellement inadaptés à cause de son trouble de l’attention. Il va donc devoir intégrer un centre de rééducation. Les parents de Matt, Julia et Evan, ont deux réactions radicalement différentes à cette mauvaise nouvelle...
Critique : C’est un avenir bien proche de nous que nous dépeint cette BD. Autour de la lutte pour que Matt ne finisse pas en centre de rééducation, les membres de la famille doivent aussi tous se confronter à leur addiction technologique, qu’il s’agisse des casques de VR, des applications de rencontres, des jeux vidéos, sans oublier les anti-dépresseurs.
La technologie s’est infiltrée partout mais de manière discrète, comme elle l’est déjà dans notre société. Car être accro aux appli de rencontre ou aux jeux vidéo immersifs ou bien encore à la réalité virtuelle ne sont pas de pures visions imaginaires d’’un futur sombre. Il s’agit déjà de problèmes présents dans notre quotidien, tout comme l’addiction aux anti-dépresseurs. Là où la BD franchit un pas, c’est la gestion par l’IA des choix d’études des élèves (on a déjà cela avec ParcourSup) mais plutôt le fait qu’un élève considéré par l’IA comme inadapté devra intégrer un centre de rééducation. C’est autour de ce système que le monde s’insurge ou accepte, que des groupes dissidents se rebellent ou que la majorité des concitoyens, à l’image de Evan, se soumet, pensant que c’est une solution adaptée – car proposée par la technique – sans chercher à réfléchir à ce qui est le mieux pour son enfant. Car la question derrière toutes ces invasions de la technologie est celle de la liberté. Pour quelle raison remet-on la prise de décision à une IA ? Par peur d’être confronté à la liberté de choisir ? Laisser les applications vous présenter les femmes considérées comme idéales, les casques de VR vous proposer une vie virtuelle qui vous convient, c’est ne plus choisir. Peut-être que l’addiction aux jeux vidéos , comme présentée ici par le personnage de Thomas, reste un espace de liberté. Thomas assume totalement le fait qu’il joue pour devenir un champion, gagner de l’argent et tirer sa famille de la situation compliquée où elle se trouve. Est-ce la bonne solution ? En tout cas, il l’a choisie. Et il sera amené à un autre choix. Mais ce personnage symbolise aussi tous ceux qui se sacrifient pour leur travail afin d’apporter confort à leur famille, en oubliant l’essentiel, leur présence est tout aussi importante que l’argent qu’il rapporte.
Pierre-Roland Saint-Dizier et Pierre Benazech nous font réfléchir non pas sur le monde de cette dystopie, mais bien sur notre société, sur nos choix, ou notre refus de choisir, notre acceptation de laisser quelqu’un d’autre choisir.
- Pierre-Roland Saint-Dizier, Pierre Benazech et Eliot / Ankama
Eliot dessine d’un tait sombre cette BD. Les personnages, stylisés, sont encrés de manière abruptes et grasses, comme au crayon noir très épais. Ce noir se retrouve dans les hachures qui créent les ombres, ces tracés rugueux qui accentuent la dureté de cette société. À côté de cela, Eliot joue aussi sur les aplats de noir, les contrastes très marqués, soit entre le noir et d’autres couleurs, soit sur des couleurs non réalistes, un personnage tout en rouge qui ressort sur le fond, des personnages en vert clair qui ressortent également sur une foule en vert foncé. Les couleur brutes, denses, permettent aussi d’apporter une touche rugueuse plus marquée encore. Le monde de Stéphane, Matt, Thomas, Julia et Evan est bien sombre, et peu de place reste pour l’espoir. Et pourtant, même si le chemin est jonché de dangers, la lutte n’est pas perdue, comme le montre « Avenir ».
Avenir est un récit d’anticipation réussi, qui nous renvoie une image de notre société assez dure, pour nous faire prendre conscience de ce que nous sommes en train de laisser faire et le monde qui pourrait en émerger.
96 pages – 17,90 €
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