Still Burning
Le 25 octobre 2014
Un portrait du musicien australien Rowland S. Howard qui, sous une simplicité de forme, touche la corde sensible et rend un bel hommage à un artiste profondément singulier dont l’œuvre mélancolique et noire trouve un écho dans son propre parcours humain.
- Réalisateurs : Richard Lowenstein - Lynn-Maree Milbum
- Acteurs : Henry Rollins, Nick Cave, Lydia Lunch
- Genre : Documentaire, Inédit (salle, vidéo)
- Nationalité : Australien
- Durée : 110 min
- Festival : L’Etrange Festival 2014
L'a vu
Veut le voir
Un portrait du musicien australien Rowland S. Howard qui, sous une simplicité de forme, touche la corde sensible et rend un bel hommage à un artiste profondément singulier dont l’œuvre mélancolique et noire trouve un écho dans son propre parcours humain.
L’argument : Guitariste et compositeur, Rowland S. Howard arrive à seize ans à Melbourne et commence sa carrière au sein de la scène post-punk locale. Très vite, son romantisme noir et son art de la distorsion en fait un des plus grands artistes de sa génération, notamment au sein de Birthday Party, Crime & the City Solution ou These Immortal Souls, jusqu’à sa mort à cinquante ans en 2011. Par le biais d’interviews, d’archives et de séquences originales, Autoluminescent retrace sa vie au plus intime, apportant un peu de lumière à ce ténébreux mystère.
Notre avis : On n’était pas beaucoup dans la salle pour la première diffusion de ce très beau documentaire sur Rowland S. Howard dans le cadre de l’édition 2014 de l’Étrange Festival, un film pourtant très rare et ne bénéficiant d’aucune sortie DVD pour le moment. Du coup, cette projection avait quelque chose de précieux et il faut bien le dire, sans crier garde, l’émotion m’a submergée et j’en ai vidé la quasi intégralité d’un paquet de Kleenex. Quand j’ai réalisé que le film était terminé, il n’y avait déjà plus personne autour de moi. Du coup, je suis parti discrètement, les yeux injectés de sang, piquants à cause des larmes, alors que la file attendait la séance suivante. Forcément, on m’a demandé qu’est-ce qui m’avait mis dans cet état, puis le bouche à oreille aidant, il y avait apparemment plus de personnes à la seconde projection. Ne sachant comment les autres personnes avaient vécu ce visionnage, je me suis posté devant la sortie pour cette séance de rattrapage juste pour voir. Et là j’ai lu l’émotion sur certains visages, yeux rouges, tremblements des mains, expression bouleversée. Autoluminescent avait donc su retranscrire ce sentiment irrépressible de tristesse à d’autres personnes que moi même. Pourtant, à priori, le film utilise un langage documentaire traditionnel : des interviews avec des proches de l’artiste (une liste hallucinante de noms connus - une centaine d’intervenants ou plus encore), entrecoupées par un certain nombre d’archives (concerts filmés, interviews d’époque, photographies...) et des passages poétiques avec des lectures d’un manuscrit non publié Etceteracide. Du coup, d’où naît cette émotion ? De la personnalité de Rowland S. Howard ? Du vide qu’il laisse dans le monde de la musique avec sa mort prématurée à cinquante ans ? De l’émotion de ce deuil encore très frais à l’époque du tournage ? De la dégradation physique de ce superbe androgyne emporté par un cancer du foie ? Du profond amour et respect que tout le monde lui porte ? De la relation privilégiée qu’il a pu avoir avec ses muses, Lydia Lunch et Genevieve McGuckin particulièrement ? De la beauté intemporelle de ses compositions et de ce romantisme noir, écorché qui a caractérisé toute son œuvre depuis ses débuts et la fameuse chanson "Shivers" avec les Boys Next Door qu’il a composée à seize ans ? C’est peut-être tout cela à la fois qui fait que Autoluminescent n’est pas juste le portrait d’une rock star ou d’un artiste maudit, même si Howard est les deux à la fois.
Guitariste génial, il a laissé une trace indélébile dans le monde de la musique qui s’étend bien au-delà de la scène post-punk à laquelle on a rattaché Birthday Party, son projet avec Nick Cave qui lui a amené la renommée. Car le son de ce groupe, c’était lui avant tout. Un mur du son à la fois grinçant et profondément addictif. Un langage unique entre la mélodie, la sauvagerie et la dissonance. Un sombre mystère, tout comme ce personnage. Sa silhouette longiligne, son élégance de dandy, la délicatesse de ses traits, son air rêveur et déglingué à la fois, avec toujours la clope au bec. Puis les archives de concerts témoignent de son rapport à son instrument, violent, sensuel, sans pareil avec ce corps si frêle produisant cette bourrasque sonore si puissante. La force du film est aussi sa pudeur, son refus du racolage et de tomber dans les clichés rock ou dans la complaisance (la maladie est là, la mort qui rôde, mais un plan ou deux suffisent, inutile d’insister). De ce fait, l’intimité de l’homme rentre en correspondance constamment avec son œuvre artistique, et on est frappé par la cohérence de son travail, des premiers tubes de Birthday Party comme "The Friend Catcher" jusqu’à son dernier album solo, Pop Crimes en 2009, en passant par les sublimes disques avec Lydia Lunch (Honeymoon in Red, Shotgun Wedding), These Immortal Souls (Get Lost (Don’t Lie), I’m Never Gonna Die Again), Nikki Sudden (Kiss You Kidnapped Charabanc) ou Crime & the City Solution (Just South of Heaven, Room of Lights). On ne s’attarde donc pas sur les déboires et les abus de la rock’n’roll way of life mais sur la création, ce sentiment pur et glorieux, et aussi forcément sur une certaine mélancolie, difficile de faire autrement avec une telle musique. Pourtant, Howard a aussi de l’humour mais on retient surtout sa vision précise, son parcours sans faille et ce sentiment qu’il est tout de même parti trop tôt. La beauté et la cruauté de la vie à la fois. Il incarne aussi une forme de figure tragique et touchante, de par le fait qu’il n’a jamais eu la reconnaissance qu’il méritait mais aussi parce qu’il n’a jamais voulu se compromettre. Le star system ne l’a jamais intéressé, contrairement à son vieil ami Nick Cave. De ce fait, une grande partie du documentaire est aussi consacrée à la musique car elle parle mieux que tout, et c’est là encore très appréciable.
Sans tapage et avec finesse et sincérité, Autoluminescent nous met face aux choses belles et indicibles qu’un artiste, totalement investi et profondément génial, peut laisser derrière lui, ces émotions qu’il parvient à mettre en forme à travers les mots et les sons et la puissance de ce qui reste. Le deuil parcourt ce film, commencé alors que Rowland S. Howard était encore en vie. On y ressent le plein et le vide, l’inachevé (ces extraits de manuscrit en voix off) et l’absolu. C’est peut-être ce qu’il y a de plus bouleversant en fin de compte dans cette œuvre hommage terriblement humaine.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.