Au sol - la critique du court métrage

Notre avis : Comment filmer la générosité sans lui donner les contours de la mièvrerie ? Tout simplement en la rendant sincère, en l’incarnant dans des gestes qui ne s’apitoient pas, mais se déploient dans leur efficacité, leur désir pragmatique de trouver une solution. Au sol est l’histoire de deux femmes qui s’entraident et, se reconnaissant à travers une manière d’appréhender la réalité, sans se morfondre, finissent par se congratuler. Au moment de laisser Evelyne sur la passerelle d’embarquement, Stéphanie pleure de joie pour des raisons qui échappent tout autant aux mots qu’elle prononce qu’à la satisfaction d’avoir débrouillé une situation complexe. En creux, la mésaventure de la jeune maman crée un écho à sa propre existence. Ce n’est pas la partie la plus visible du film, mais c’est sans doute la plus intéressante : elle enjoint de repérer, tout au long de cette histoire haletante, la dissémination d’indices : une forme de solitude au réveil, auprès d’un homme qui ne réagit pas ou l’empathie immédiate avec une passagère mise en difficulté par l’absence d’un document administratif (un plan de coupe suffit, qui ne s’attarde pas).
Avec une autre que Stéphanie -on la voit, aussi butée qu’un rond-de-cuir dans une pièce de Courteline-, ça ne passe pas. Ça ne passera jamais. Question d’alchimie relationnelle, autant que de règlement. Dans toutes les administrations du monde, heureusement ou malheureusement, des employés facilitent les démarches ou s’obstinent par le refus, étant donné que, tout simplement, les gens leur reviennent ou ne leur reviennent pas, que des enjeux- profondément humains- dépassent le simple cadre d’une réglementation brandie comme une loi d’airain. Le personnel qui peuple cet aéroport n’est certainement pas celui dont on constate l’existence au quotidien, derrière des bureaux ou à côté des portiques : ce sont des gens qu’on voudrait voir plus souvent, compréhensifs devant la détresse, sans qu’il y ait dans leur attitude la moindre forme de pitié miséricordieuse. Sans doute qu’à ce moment précis, le cinéma, c’est la vie en mieux, comme dirait l’autre. Mais parfois, on a aussi besoin de voir cette humanité-là.