Fioravante
Le 10 avril 2014
Sous la coupe bienveillante de Woody Allen, John Turturro signe une comédie douce-amère au charme joliment désuet.
- Réalisateur : John Turturro
- Acteurs : Sharon Stone, John Turturro, Vanessa Paradis, Woody Allen, Sofia Vergara
- Genre : Comédie, Comédie romantique
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h30mn
- Titre original : Fading Gigolo
- Date de sortie : 9 avril 2014
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Cinquième long-métrage réalisé par John Turturro, acteur fétiche des frères Coen et de Spike Lee, Apprenti Gigolo nage en eaux troubles dans le sillon des premiers Woody Allen tout en parvenant à sortir des clichés du film-hommage. Une comédie subtile et élégante en dépit d’un relatif manque de rythme et d’un scénario parfois poussif, qui doit beaucoup au talent de ses interprètes, Turturro et Woody en tête.
L’argument : Deux amis, l’un libraire, l’autre fleuriste, ont des problèmes d’argent. Le premier devient le mac du second. Ils feront le bonheur de leurs clientes.
Notre avis : Caméra d’or à Cannes pour son premier film MAC en 1992, soit deux ans seulement après sa consécration en tant qu’acteur pour son interprétation de Barton Fink, John Turturro confirme qu’il est bel et bien devenu un réalisateur accompli. Apprenti Gigolo frappe d’abord par son élégance formelle et sa maîtrise des cadres, et par sa capacité à s’élever aux moments opportuns pour éviter toute forme de vulgarité. Les rapports entre le gigolo et ses clientes sont abordés avec une grande finesse, et le réalisateur s’attarde d’ailleurs plus sur l’aspect pré-coïtal que sur l’acte en lui-même en proposant une forme d’érotisme volontairement surannée qui prête à sourire. Seule exception notable, une scène de triolisme intelligemment filmée et volontairement déchargée de toute tension sexuelle entre les protagonistes, où on se plaît à admirer (bien innocemment) les corps sculptés de Sharon Stone et Sofia Vergara, excellentes en femmes couguars en manque d’amour. Vous l’aurez compris, malgré son titre, Apprenti Gigolo n’est pas à proprement parler un film sur le sexe et le proxénétisme, ni même une comédie qui se voudrait désopilante. Turturro, acteur caméléon et réalisateur espiègle, s’affranchit des clichés du mâle viril et dominateur en incarnant lui-même un modèle d’équilibre et de force tranquille à la fois doux, rassurant et animal, capable d’apporter aux femmes une réelle compagnie au delà de la bagatelle. Ce n’est pas par hasard qu’il choisit le pseudonyme de Fioravante, renvoyant tant à une variété de fleurs qu’au nom d’un faussaire italien du XIXe siècle. Qui eût cru que l’acteur ait un tel sex-apeal ? Et pourtant, quel magnétisme ! C’est un peu comme si monsieur tout le monde se retrouvait d’un coup doté d’un incroyable pouvoir de séduction. Une belle revanche sur notre société obsédée par un type de beauté devenu archétypal et un moyen d’exister sur l’écran pour le spectateur masculin lambda. Jamais le réalisateur ne cherche à juger des personnages qui semblent s’épanouir au fil de leurs rencontres et s’apporter un réconfort mutuel dans un monde marqué par l’individualisme et la solitude.
- Fading Gigolo / John Turturro découvre les joies du métier
- © DeaPlaneta
Frappé du sceau de la légèreté, le scénario, également écrit par Turturro, ne sombre jamais du côté du feel good movie tout en donnant envie de croire en la vie, en l’amour et au hasard. Même si l’histoire peut paraître simpliste et parfois schématique, Turturro jongle avec une certaine aisance entre satire religieuse, satire sociale, comédie de mœurs et romance. Si les scènes avec Woody Allen (qu’on prend plaisir à revoir devant l’objectif dans son nouveau statut de « pimp »), marquées par un humour juif brooklynesque omniprésent ne convainquent pas toujours, la relation qui s’établit entre la jeune veuve juive orthodoxe engoncée dans les traditions de sa communauté (bluffante Vanessa Paradis) et notre gigolo est plus profonde qu’il n’y paraît. Turturro présente les multiples failles, les fêlures de deux êtres esseulés capables de repousser ensemble les normes établies, de sortir enfin des rôles qui leur ont été assignés et de vivre leur vie de la manière dont ils l’entendent. Le message d’ouverture et d’abolition des faux-semblants est d’ailleurs à la base du film. Sans remettre en cause le système communautaire (ici les juifs de Brooklyn), le réalisateur offre une vision plutôt humaniste où chacun doit apprendre à connaître l’Autre pour trouver son essence propre et réparer ce qui était abîmé. Autrement dit, la vie est un passage fait de multitudes de tranches de vie, et il est impossible de rester figé à un point donné sans risquer de s’enterrer prématurément. Malheureusement, malgré une volonté manifeste de faire progresser le récit et de donner corps à ses personnages, le film souffre de nombreuses longueurs et l’humour semble bien émoussé, la faute à des dialogues qui manquent de piquant voire d’esprit carnassier. N’est pas Woody Allen qui veut, et même si le début d’Apprenti Gigolo marque clairement sa filiation à Manhattan, il ne parvient jamais à égaler le rythme trépidant des premières œuvres du maître. Toujours est-il qu’avec un peu d’entraînement, la relève semble assurée.
- Fading Gigolo / Affiche officielle
- © ARP Sélection
Galerie Photos
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