Le 3 mars 2025
Dans une Sardaigne sauvage, le portrait sans fioritures d’une jeune femme blessée bien décidée à ne plus jamais se laisser dominer.


- Réalisateur : Marco Amenta
- Acteurs : Rose Aste, Daniele Monachella, Marco Zucca, Giuseppe Boy
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Les Films de l’Atalante
- Durée : 1h58mn
- Date de sortie : 5 mars 2025
- Festival : Festival de Venise 2024, Ciné Med Montpellier 2023, Festival Villerupt 2024, Festival Houston 2024, GreenPoint Festival New York 2024, Festival film Porretta (Italie)2024, Festival du film de Lama (Haute-Corse) 24

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– Année de production : 2023
Résumé : Anna, trentenaire solitaire, élève ses chèvres dans une partie sauvage et préservée de la Sardaigne. Mais son exploitation est menacée le jour où un vaste projet de complexe touristique commence à s’installer sur ses terres. Malgré la pression du reste du village, très favorable à ce développement économique, Anna va se battre pour sauver tout ce qui lui reste.
Critique : Une scène de sexe dépourvue de tout romantisme donne le ton de cette lutte féminine que le réalisateur veut abrupte et efficace, lui qui a dû faire face à des campagnes d’intimidation après avoir réalisé des documentaires engagés sur la mafia. Anna a l’habitude de vivre dans un environnement machiste et il n’est plus l’heure pour elle de conjuguer homme et affection. Quant à l’amour, elle n’y songe même plus.
- Copyright Ridotta
À n’en pas douter, le réalisateur Marco Amenta nourrit un intérêt particulier pour les femmes au caractère bien trempé. Après le portrait d’une jeune adolescente décidée à briser le silence autour de la mort de son père tué par la mafia dans La Sicilienne, il dresse celui d’une jeune femme en butte à la spéculation immobilière qui menace cette terre ancestrale achetée par son père il y a plusieurs années. Certes, aucun papier officiel ne le prouve, puisqu’à l’époque une simple poignée de main suffisait à conclure une vente. Il n’empêche qu’elle entretient avec ce territoire un rapport fusionnel. Après une expérience conjugale malheureuse qui l’a même privée d’une maternité qu’elle espérait, elle aspire à la solitude, seule avec ses chèvres dans ce coin de nature vierge pour laquelle elle éprouve un sentiment presque maternel. Mais la mairie a bien l’intention de permettre à cet endroit précis l’installation d’un immense complexe touristique. Un projet largement plébiscité par la population qui voit là la promesse d’emplois et de profits. Alors même que que ses clientes du marché lui tournent le dos, une immense statue de la Vierge (clin d’œil facétieux du réalisateur qui prend un malin plaisir à montrer du doigt toute l’hypocrisie des criminels qui tentent de s’acheter une bonne conscience, bien planqués derrière la façade religieuse), déposée par hélicoptère sur son terrain, scelle le démarrage d’un combat qui s’annonce inégal. Libre, tenace, rebelle et déterminée, Anna n’a nullement l’intention de baisser les bras, allant même jusqu’à bousculer ce jeune avocat plein de nuances et de bonne volonté, à l’opposé des brutes machistes qui l’entourent.
- Copyright Ridotta
Pour incarner cette héroïne courageuse, aussi résolue à défendre sa terre qu’à reconstruire sa vie, il fallait bien toute la puissance rugueuse, mâtinée de douceur de Rose Aste qui tient ici l’un de ses premiers grands rôles. Clé de voûte du récit, elle nous convainc aisément de la sincérité de sa lutte sans jamais tomber dans la facilité, malgré un scénario qui souffre de quelques longueurs et laisse bien vite présager de l’issue. La mise en scène restitue avec précision les affres de la vie d’Anna. Un décor à la beauté sauvage, un récit peu disert où les dialogues laissent la place au silence réparateur ou au vacarme des engins de chantiers et enfin une caméra qui déversent des images saccadées et nerveuses : autant d’éléments complices qui s’unissent pour décrire la puissance des sentiments contradictoires qui envahissent notre héroïne.
En mettant en parallèle la violence subie par son personnage principal et celle faite à la terre, Marco Amenta fait de ce portrait qu’il veut d’abord intime un combat universel où se mêlent sans artifice ni forfanterie patriarcat et féminisme, respect de l’environnement et abus de profits, liberté de mouvement et d’action pour chaque citoyen.