Autant en emporte Anna
Le 5 décembre 2012
Grandeur et décadence d’un amour tolstoïen en chute libre, par le réalisateur de Orgueil et préjugés.
- Acteurs : Jude Law, Keira Knightley, Matthew Macfadyen, Alicia Vikander
- Genre : Drame
- Nationalité : Britannique
- Durée : 2h11mn
- Date télé : 20 décembre 2016 20:55
- Chaîne : Cherie 25
- Date de sortie : 5 décembre 2012
- Plus d'informations : http://focusfeatures.com/anna_karenina/
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Grandeur et décadence d’un amour tolstoïen en chute libre.
L’argument :Russie, 1874, la belle et ardente Anna Karénine jouit de tout ce à quoi ses contemporains aspirent : mariée à Karénine, un haut fonctionnaire du gouvernement à qui elle a donné un fils, elle a atteint un éminent statut social à Saint-Pétersbourg. À la réception d’une lettre de son incorrigible séducteur de frère Oblonski, la suppliant de venir l’aider à sauver son mariage avec Dolly, elle se rend à Moscou. Au cours de son voyage, elle rencontre la comtesse Vronski que son fils, un charmant officier de la cavalerie, vient accueillir à la gare. Quelques brefs échanges suffisent pour éveiller en Anna et Vronski une attirance mutuelle. Oblonski reçoit également la visite de son meilleur ami Levine, un propriétaire terrien sensible et idéaliste. Épris de la sœur cadette de Dolly, Kitty, il la demande gauchement en mariage, mais Kitty n’a d’yeux que pour Vronski. Dévasté, Levine se retire à Pokrovskoïe et se consacre entièrement à la culture de ses terres. Mais le cœur de Kitty est lui aussi brisé quand elle prend conscience, lors d’un grand bal, de l’infatuation réciproque d’Anna et Vronski. Anna, désorientée, rentre à Saint-Pétersbourg, mais Vronski l’y suit. Elle s’évertue à reprendre sa calme vie de famille mais son obsession pour le jeune officier ne cesse de la tourmenter. Elle s’abandonne alors à une relation adultère qui scandalise toute l’aristocratie locale. Le statut et la respectabilité de Karénine sont mis en péril, le poussant à lancer un ultimatum à sa femme. Dans sa recherche éperdue de bonheur, Anna révèle au grand jour l’hypocrisie d’une société obsédée par le paraître. Incapable de renoncer à sa passion, elle fait le choix du cœur.
Notre avis : Après Clarence Bown (1935), Julien Duvivier (1948) et Bernard Rose (1997), c’est au tour de Joe Wright de s’attaquer au monument de la littérature russe de Léon Tolstoï. Pour la réussite de ce projet, le cinéaste réunit une véritable troupe, confiant une nouvelle fois la tête d’affiche à Keira Knightley et Matthew Mac Fadyen (Orgueil et préjugés). Un tournage de plus de douze semaines comptant pas moins de deux cent quarante scènes. Conscient de l’impossibilité presque absolue d’adapter le célèbre roman fleuve, Joe Wright tente le tout pour le tout et fait un pari osé, celui de la théâtralité. Resserrée autour de la romance, la dramatique s’acte ainsi en un décor unique, celui des planches. Un point de vue original qui fait s’alterner à l’écran, truchements apparents, peintures d’ambiance en toile de fond et impression de réalité. Visuellement, l’idée de la scène comme monde à part entière, est brillante. Déjà effleurée dans Orgueil et préjugés et Reviens moi, l’unicité du concept permet une esthétisation de l’intrigue à outrance. Cadrages riches et somptueusement composés, mise en scène chorégraphiée et costumes flamboyants... rien ne manque. Le processus offre d’ailleurs quelques scènes purement spectaculaires, tel que la première danse échangée entre Anna et Vronski (le cinéaste reproduisant ici, presque à l’identique, celle d’Elisabeth et Marc dans Orgueil et préjugés), la course de chevaux en plein opéra ou encore la traversée neigeuse du train reliant Moscou et Saint Pétersbourg. Poétique et onirique, la gestuelle délicate rajoute à l’image l’impression de plongée dans un tableau. Une picturalité d’ailleurs amorcée par Seamus Mc Garvey et son subtil jeu de lumière, qui pousse l’inventivité jusqu’à ’’opter pour un filtre en tulle qui adoucit les lignes et les contrastes et crée une impression de distance, comme si on regardait le cadre à travers le filtre du temps’’.
Si la photographie est sublime, la distance déployée esthétiquement rejaillit sur l’intrigue. Résultat ? Une narration lisse, froide et déconnectée de l’émotion des personnages, pourtant centrale dans le récit d’origine. Très vite, le spectateur décroche, lassé des successions de décors et des mouvements de caméra frénétiques, comme étranger à l’histoire. La magie opère mais n’émeut pas. Etrangement, le casting tient toutes ses promesses. Sensuelle et déchainée, Keira Knightley incarne une Anna passionnée, tortueuse, proche de la folie (à la manière de la performance réalisée dans A dangerous method). Face à elle, Jude Law étonne par la qualité de son interprétation, livrant un Karénine pragmatique, dévoué et compréhensible. De même que Matthew Mac Fadyen brille de génie et de comique dans le rôle du frère. Pourtant, la sauce dramatique manque de liant. Depuis ses débuts Joe Wright impressionne par sa capacité à révolutionner avec douceur et délicatesse, l’académisme d’un certain cinéma anglais, avec Anna Karénine, il manque pour la première fois d’audace. Ivre d’emphase et de majesté, le film étouffe sous mille et un artifices, pas toujours justifiés. Reste une belle intention de satire sociale d’un dix-neuvième siècle vicié et codifié, en perpétuelle représentation. Une réflexion qui s’approfondit d’une autre, celle du pastoralisme de Lévine et de son idéal de vie campagnard, seul espace d’authenticité où l’amour peut encore éclore. Une fresque historique luxuriante et innovante sur la forme au détriment du fond. Un joli méli-mélo de couleurs tape à l’oeil proche de l’exercice de style.
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