Le 6 décembre 2015
Un home movie qui lève le voile sur la vie privée du mythique Salvador Allende. Entre passé traumatique et catharsis nécessaire, voilà l’histoire singulière d’une famille meurtrie mais plus que jamais unie.
- Réalisateur : Marcia Tambutti Allende
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Chilien, Mexicain
- Distributeur : Bodega Films
- Durée : 1h38mn
- Date de sortie : 9 décembre 2015
- Festival : Festival de Cannes 2015
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Résumé : Marcia souhaite rompre le silence entretenu autour du passé tragique de sa famille. trente-cinq ans après le coup d’État qui a renversé son grand-père, Salvador Allende, premier président socialiste élu démocratiquement, elle estime qu’il est temps de retrouver les souvenirs familiaux, les images de leur vie quotidienne qui leur a été arrachée. Un passé intime qui lui est inconnu, enterré sous la transcendance politique d’Allende, l’exil et la douleur familiale. Après plusieurs décennies de non-dit, Marcia essaie de dresser un portrait honnête, sans grandiloquence, prenant en compte la complexité de pertes irréparables et le rôle de mémoire sur trois générations d’une famille blessée.
Critique : Premier président (1970-1973) marxiste élu démocratiquement au Chili, Salvador Allende a tenté de mettre en place un État socialiste de façon non violente et légale. Il est devenu au fil du temps une figure mythique dans l’imaginaire collectif, le symbole de la démocratie. À tel point que de nombreuses rues dans le monde portent son nom.
En 2004, Patricio Guzmán a réalisé un documentaire éponyme sur Salvador Allende, où il évoque le personnage politique, de ses débuts à sa fin tragique suite au coup d’État de Pinochet le 11 septembre 1973.
En 2015, ce n’est pas le personnage historique qui intéresse Marcia Tambutti Allende, petite-fille de Salvador Allende. Biologiste de formation, c’est une motivation personnelle qui l’a amenée à réaliser le documentaire Allende mon grand-père, son premier film. Elle part à la recherche des origines de sa famille : « J’ai le sentiment que mon grand-père m’a manqué et je cherche à le connaître ». Elle qui n’a jamais connu son grand-père voudrait savoir ce qui s’est passé le 11 septembre 1973. Et qui était Chicho (surnom affectueux de Salvador Allende) dans la vie privée ? Quelles relations nouait-il avec sa famille et notamment son épouse Hortensia Bussi dite Tencha ?
Voilà autant de questions auxquelles Marcia Tambutti Allende espère des réponses. C’est la raison d’être de son documentaire. Pour ce faire, elle a compilé des archives et des photos, inédites pour la plupart. Surtout, elle a interrogé les membres de sa famille, que ce soit sa grand-mère, Tencha, veuve de Chicho, sa mère Isabel, son grand frère Gonzalo ou encore ses cousins Maya et Alejandro.
Mais elle s’est heurtée à une réelle difficulté, la sensibilité des sujets évoqués. Si cette histoire est forcément personnelle, elle touche le spectateur par l’universalité de ses propos. Comme dans toute famille, il y a des secrets enfouis qui ont du mal à refaire surface.
Dès lors, les entretiens que Marcia Tambutti Allende mène avec sa grand-mère Tencha, veuve de Chicho, et avec sa mère Isabel, sont difficiles. Parfois, ils tournent court. Le spectateur peut avoir l’impression de rester sur sa faim. Mais somme toute, ces réactions sont logiques car ces entretiens rappellent le passé traumatique de la famille Allende, laquelle a eu son lot de malheurs : le suicide de Salvador Allende le 11 septembre 1973 dans son palais de la Moneda et l’exil de la famille suite à la prise de pouvoir de Pinochet. L’émotion est palpable dans la bouche des interviewés quand on apprend par bribes, les événements qui ont eu lieu.
Dans ces interviews où la parole a du mal à se libérer, Salvador Allende n’est pas l’unique sujet de discussion, même si tout gravite autour de sa personne. Une figure émerge immanquablement de ces entretiens et photos inédites : celle de Beatriz Allende, dite Tati, fille et secrétaire personnelle de Salvador Allende. Exilée à Cuba, elle s’est suicidée en 1977, laissant seuls une fille, Maya, et un fils, Alejandro, âgés respectivement de six et quatre ans. Au regard de son destin tragique, on sent sa présence qui ne cesse de hanter sa famille, tel un fantôme venu tourmenter ses proches.
C’est aussi le personnage de Tencha, décédée durant le tournage de ce documentaire, qui se révèle particulièrement touchant. Alors que la jeune réalisatrice Marcia Tambutti Allende interviewe sa grand-mère extrêmement fatiguée (elle a alors quatre-vingt-douze ans), elle obtient des confessions très fortes et marquantes. On sent dans les propos de Tencha que Salvador Allende fut l’amour de sa vie. Elle a tout accepté de lui et lui a tout pardonné, faisant d’elle une épouse compréhensive et magnifique. Ce qui ne l’empêche pas de révéler lors de conversations en apparence anodines que son époux aimait flirter ou qu’il la trompait tout le temps. Aucune amertume dans ses révélations, et au contraire toujours de l’amour dans ses yeux.
D’ailleurs, Allende mon grand-père comprend une vidéo où l’on voit Tencha, lors de son retour d’exil au Chili en 1989. Dans un discours à son peuple, elle évoque avec beaucoup d’émotion sa fille Beatriz et son mari Salvador Allende. Le documentaire peut dès lors toucher tout un chacun, de par l’universalité des liens et des sentiments. N’avons-nous pas, tous également, perdu un être proche ?
Pour les Chiliens, ce documentaire aura sans doute une résonance particulière. Les malheurs qui se sont abattus sur cette famille sont à l’image des quatre dernières décennies qu’ils viennent de traverser, depuis la dictature de Pinochet jusqu’à la période actuelle.
Le documentaire n’a pas uniquement pour objet de se libérer d’un passé traumatique. Il est aussi l’occasion de partager quelques moments de bonheur éphémère. Comme lors de cette projection privée d’une vidéo tournée en super 8 où l’on voit un jeune Salvador Allende s’amuser comme un fou dans une pièce de théâtre.
Entre petite et grande histoire, Allende mon grand-père est un émouvant voyage aux thématiques universelles qui ne devrait laisser personne insensible. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2015, le home movie a d’ailleurs obtenu l’Œil d’or, premier prix du documentaire.
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