Alice au pays s’émerveille - la critique + le test DVD

Un court-métrage audacieux qui joue de belle manière avec de nombreux codes.

L’argument : Perdu au beau milieu des Balkans, un flic français accompagné de sa femme enceinte et de sa maitresse retourne sur les traces de son enfance après la guerre. En plein blizzard, ils se retrouvent bloqués à une frontière imaginaire où il "pleut des corps". Hostiles à cette intrusion sur leur terre, les habitants doivent composer avec l’arrivée de ce trio amoureux en pleine crise conjugale.

Notre avis : Alice au pays s’émerveille a d’abord été un buzz internet : les producteurs « à poil » ont fait des appels aux dons et se rhabillaient au fur et à mesure que l’argent arrivait. L’ événement relayé par la presse a permis de réaliser cet étrange court-métrage, nourri de multiples influences mais au ton original.
Si l’on s’en tient au point de départ, trois Français coincés dans un no man’s land serbe, se disputant sous la menace de moins en moins vague de trois étranges indigènes, on n’est pas loin de ces films de genre américains qui confrontent des « civilisés » à des rednecks sur fond de violence, et dont Délivrance et Massacre à la tronçonneuse sont les matrices. Mais la réalisatrice ajoute un décalage humoristique (la réplique sur les « giboulées de mars » !) et joue avec différents codes, de la tragédie (quasi unité de lieu, de temps et d’action, destin inéluctable), au polar (menottes, flingues), en passant par le fantastique.
Le danger était grand d’obtenir une œuvre hétéroclite et bancale : mais Marie-Eve Signeyrole réussit son pari de faire d’éléments aussi disparates un tout cohérent. D’abord en respectant une logique implacable, celle du cauchemar qui prend au sens propre des mots ou expressions (« s’il y a un stop, on s’arrête »), et en tirant les conséquences de situations absurdes (des cadavres pleuvent, il faut donc des croque-morts). Mais c’est surtout des moyens cinématographiques, et notamment la gestion de l’espace par un découpage plus qu’habile, qui font tenir le court-métrage.

© SlumberLand Factory
Le travail sur les couleurs et les trouées lumineuses appuie sur un réalisme stylisé qui donne au film l’apparence d’une fable, voire d’une métaphore floue aux thèmes complexes (le destin, la guerre, l’absurde). Évidemment la musique choisie, de l’opéra pour l’essentiel, donne de l’ampleur à cette « petite » histoire et lui confère une dimension plus large. Pour autant, Alice au pays s’émerveille n’est pas un film à thèse au message univoque ; c’est un peu une auberge espagnole où chacun amène sa lecture, surtout que la fin n’apporte pas un éclairage conclusif.
Dans ce court-métrage minutieusement préparé et très soigné, le son joue un rôle essentiel : le travail sur les bruits de fond (le vent, les loups qui renvoient au conte), les sources musicales ou les différentes langues parlées ajoutent à la réussite du projet.

Les suppléments :

Outre le teaser et la reprise de l’appel aux dons déshabillé (1mn40), le DVD propose un long, trop long making of (1h20mn) qui reprend les images partagées avec les internautes donateurs et détaille toutes les étapes de la réalisation.

L’image :

La copie rend justice au beau travail sur la lumière, l’obscurité et le traitement de la couleur.

Le son :

La piste Dolby Digital 2.0, sous-titrée en anglais ou en français, respecte le jeu sur les différents plans sonores, du vent aux dialogues en passant par la musique qui sort d’un ordinateur. De la belle ouvrage.