La culpabilité virtuelle
Le 30 septembre 2008
Un premier long métrage qui dissèque le lien entre le réel et le virtuel et part d’un portrait d’adolescent antipathique pour lorgner vers le deuil communautaire et le fantastique ouaté. Conceptuel mais fascinant au-delà des attentes.
- Réalisateur : Antonio Campos
- Acteurs : Ezra Miller, Jeremy Allen White, Emory Cohen
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Date de sortie : 1er octobre 2008
- Festival : Festival de Cannes 2008
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– Durée : 1h46min.
Un premier long métrage qui dissèque le lien entre le réel et le virtuel et part d’un portrait d’adolescent antipathique pour lorgner vers le deuil communautaire et le fantastique ouaté. Conceptuel mais fascinant au-delà des attentes.
L’argument : Robert, étudiant américain dans un prestigieux cours préparatoire de la côte Est, filme par hasard la mort tragique de deux camarades de classe. Leurs vies deviennent le sujet d’un projet audiovisuel conçu par la direction pour accélérer le processus de deuil collectif. Mais ce projet audiovisuel crée une atmosphère de paranoïa et de malaise parmi les étudiants et les enseignants.
Notre avis : Afterschool contient de ces éléments bizarres qui le rendent plus complexe que prévu. Une lecture superficielle présente le film comme une énième variation sur l’adolescence qui arrive maladroitement après celles de Gus Van Sant et Michael Haneke (difficile de ne pas penser à Benny’s Video). Mais ce n’est pas de l’opportunisme : ce premier long métrage retranscrit dans un premier temps le magma mental du jeune protagoniste confronté pour de vrai à des notions qu’il ne connaissait alors que de manière virtuelle, planqué derrière son écran d’ordinateur. Le réalisateur Antonio Campos s’intéresse aux « émotions » de ce personnage, à la manière dont il découvre son premier émoi sexuel, réagit face à la mort de ses deux camarades de classe. Toujours, il garde une distance objective et nécessaire sur ce qu’il montre. Par la suite, le récit se détache du portrait d’ado gobé par un monde d’images et d’immédiateté (chaque connexion réclamant un surplus d’intensité malsaine) pour devenir une version moderne de Pique-nique à Hanging Rock.
Les deux jumelles mortes - les filles les plus populaires du bahut et belles comme des anges de Botticelli - préparent telles des fantômes une vengeance indicible envers toute une communauté bourgeoise masochiste, soumise à des règles de plus en plus drastiques pour éviter que les élèves succombent à l’anarchie. Ceux qui la régissent cherchent à éloigner des étudiants de la réalité du monde extérieur et d’une violence qui est pourtant accessible et consommable sur Internet. C’est ce décalage entre le puritanisme aveugle du réel et la liberté sauvage du virtuel qui constitue finalement le vrai sujet du film. Certains pourront toujours dire que Afterschool n’échappe pas à une approche trop théorique - ce qui peut le rendre prétentieux ou poseur. Mais on ne saurait trop vous conseiller d’aller au-delà des images. Malgré des blocs dont il ne saisit pas le sens ou qu’il n’a pas envie de digérer, le spectateur reste pourtant aux aguets, sous tension d’un bout à l’autre, en attente d’une révélation monstrueuse. Sans rien dire, le cinéaste emmène vers un coup de théâtre effrayant qui accélère soudainement la cadence du récit et organise une image finale, au-delà du réel et peut-être même du virtuel, doublée d’une morale choquante, qui surpasse en intensité, en effroi tout ce que l’on cherche généralement dans un film d’horreur.
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