Le 6 juillet 2022
Kogonada accouche d’un premier long-métrage maîtrisé et audacieux, présenté dans section Un Certain Regard du Festival de Cannes.
- Réalisateur : Kogonada
- Acteurs : Colin Farrell, Sarita Choudhury, Jodie Turner-Smith, Justin H. Min, Malea Emma Tjandrawidjaja
- Genre : Drame, Science-fiction
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Condor Distribution
- Durée : 1h36mn
- Date télé : 25 septembre 2023 23:50
- Chaîne : OCS Pulp
- Date de sortie : 6 juillet 2022
- Festival : Festival de Cannes 2021
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Résumé : Lorsque le grand ami de sa fille en bas âge, l’androïde Yang, tombe en panne, Jake (Colin Farrell) tente de le réparer. Ce faisant, Jake découvre des pans de sa vie qui lui échappent. C’est l’occasion pour lui de resserrer les liens l’unissant à sa femme (Jodie Turner-Smith) et sa fille, qu’il n’avait pas vus se distendre.
Critique : L’instant est spécial. Sur la scène du théâtre Debussy, Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, ne cache rien de sa joie à l’idée de trouver la salle pleine, prête à voir un film qu’il promet « tellement soigné dans sa mise en scène et original ». Peu après lui, c’est Kogonada lui-même qui exprime son émotion de présenter son premier long dans un tel cadre. Les applaudissements pleuvent. À ses côtés, s’il regrette l’absence de « Colin » et « Justin », il se réjouit de la présence de Malea Emma Tjandrawidjaja, Jodie Turner-Smith et Haley Lu Richardson. Ces dernières sourient crânement, avant que la plus jeune d’entre elles, Malea Emma, prenne la parole et attire immédiatement la sympathie.
Peu après, le générique se déploie, et avec lui les espoirs d’un film original, frais, plein d’énergie et d’inventivité. Difficile d’être déçu. Après son passage par le cinéma expérimental, Kogonada impressionne par la pureté et la précision de sa mise en scène, ainsi que par sa qualité pour composer des plans simples et marquants. Bien aidé par la lumière somptueuse de Benjamin Loeb, qui nous régale d’un festival de couleurs teintant le film d’une ambiance unique, Kogonada produit son effet tant dans la forme que dans son propos, choisissant une réalisation classieuse, le plus souvent composée de plans fixes.
Le metteur en scène s’empare de la question centrale des données personnelles et de nos vies de plus en plus assistées -même émotionnellement - pour capter son époque avec précision. Il décide de ne pas se cantonner à un seul genre et passe son temps à flirter avec le film d’enquête, avant de revenir au drame plus conventionnel, le tout porté à une autre échelle par la science-fiction, dont il fait un usage conceptuel.
Le monde qu’il nous présente est directement le nôtre. Peu de changements, si ce n’est quelques babioles ou moyens de communication. L’essentiel est ailleurs. « Yang », qui n’est rien d’autre qu’un assistant personnel amélioré, car humanoïde, existe déjà. Chez nous, combien d’appareils sont capables de dire où nous sommes, où nous sommes allés, pourquoi et avec qui ? Ce Yang, ce « techno-sapiens », n’est rien d’autre que la forme humaine de ce que nous avons tous dans la poche, qui nous sert de GPS comme de réveil.
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Pourtant, Kogonada ne verse ni dans la dystopie, ni dans le catastrophisme. Il brosse un portrait de son époque, posément, tout en parvenant à frapper son spectateur. Idéal.
Grâce à des trouvailles visuelles simples, il développe un propos très fluide, très facile à suivre, nanti de concepts assez forts, qui honorent la science-fiction avec une de ses qualités premières : parler de l’humain, de sa condition et de ce qui le distingue du « reste ». Le « reste », ce pourrait être « Yang », techno-sapiens. Pourtant, en remontant le fil des souvenirs de ce robot dysfonctionnel, on glisse doucement vers un autre film. Celui d’une histoire d’amour et d’une quête d’identité, dont le père, Jake, n’avait pas idée. Tout cela redéfinira les limites de ce qu’on considère comme étant humain, tout en éclairant d’une lumière nouvelle les liens qui unissent les membres de la famille.
On retiendra alors deux temps forts de la séance. Tout d’abord, un générique absolument merveilleux, pop, ultra-dynamique et à la plastique irréprochable. Le meilleur de l’année. Mais surtout, on notera que la science-fiction prouve une fois de plus son aptitude à questionner les rapports humains. C’est bien notre techno-sapiens qui semble le plus lucide et avoir le plus de recul quant aux liens qui unissent sa jeune sœur à leurs parents. En effet, la petite Mika est adoptée. Elle le sait. Les autres lui disent qu’elle n’est pas vraiment la fille de ses parents. Elle commence à y croire. Finalement, elle trouvera son humanité et sa place dans ce monde, grâce à ce frère non humain qui lui manque tant.
Rarement on aura posé des concepts aussi profonds de manière si simple et limpide. Alors, au moment où le rideau se referme, les applaudissements envahissent le théâtre Debussy. Kogonada les reçoit avec le plus d’humilité possible. Nous n’avons qu’une idée en tête : on le reverra bien vite, pour un film encore plus beau, plus ambitieux et plus fou.
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