Un mari peut en cacher un autre
Le 26 mars 2024
Pablo Berger signe une comédie fantastique abracadabrantesque ! Un pur film de genre, comme on aime que l’Espagne nous en livre, mais aussi et surtout un improbable pamphlet à l’émancipation de la femme face à une société machiste.
- Réalisateur : Pablo Berger
- Acteurs : Quim Gutiérrez, Maribel Verdú, Antonio de la Torre, José Mota, Josep María Pou
- Genre : Comédie dramatique, Fantastique, Thriller
- Nationalité : Espagnol
- Distributeur : Version Originale / Condor
- Durée : 1h36mn
- Date de sortie : 4 avril 2018
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Résumé : Carmen est mariée à Carlos, un conducteur de grue macho, fan de foot, qui ne lui prête plus guère attention. Après une séance d’hypnose dont il est le cobaye pendant un mariage, Carlos devient le parfait époux. Quelque chose a changé.
Critique : Bien que le nom de Pablo Berger soit peu connu en France (son précédent long-métrage, Blancanieves, est pourtant une petite perle !), son nouveau film a toutes les chances de rencontrer, au moins dans les cinémas art et essai, un certain succès. Cette réussite assurée, il la doit avant tout à la notoriété locale de ses interprètes... qui, là encore, n’aura que peu d’impact de ce côté des Pyrénées. Alors tant pis si les noms de Maribel Verdú (pourtant vue dans Le Labyrinthe de Pan), d’Antonio de la Torre (La Isla minima, Que Dios nos pardone, Volver...) et moins encore de José Mota (connu là-bas pour ses talents d’humoriste) ne sont pas vendeurs ici, il serait dommage de passer à côté de cet Abracadabra, tant cette comédie douce-amère parvient à jouer intelligemment sur un improbable mélange de genres, et de leurs codes respectifs, pour dépeindre une réalité tristement concrète.
- Copyright Sony Pictures Releasing España
Les spectateurs qui ont vu Blancanieves apprécieront le grand écart artistique que le réalisateur est parvenu à effectuer, tout en gardant la même équipe technique. Après sa réappropriation des codes du cinéma muet et noir et blanc des années 1920, Pablo Berger s’essaie cette fois à une fiction parfaitement contemporaine, tant dans sa mise en scène que son écriture. Et pourtant, Berger reste fidèle à une thématique qui lui semble chère, à savoir la dénonciation de la violence qui prend source dans les relations conjugales. Pour cela, il imagine un couple qui ne fonctionne que grâce au déni dont la femme fait montre à l’égard de la nonchalance de son époux.
Le comportement bourru de cet homme antipathique parvient cependant à être le moteur de scènes véritablement désopilantes dans les premières minutes du long-métrage. Le scénario parvient après cela à intégrer un retournement de situation de l’ordre du fantastique dans ce qui s’ouvrait pourtant comme une comédie de mœurs parfaitement terre à terre. Un tel croisement des approches stylistiques n’empêche pas pour autant Berger de construire un propos parfaitement cohérent sur les doutes qui vont naître dans l’esprit de cette femme. Alors que c’est lui qui subit une séance d’hypnose qui va littéralement le transformer, c’est en effet elle qui prend la place centrale de l’intrigue tandis que l’apparition de ce qui a tout pour être, à ses yeux, un homme idéal, va remettre en question toutes ses certitudes.
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Là où le mélange de genres est également une réussite, c’est dans la façon dont il parvient ensuite à se muer en véritable thriller psychologique, et donc en source de suspense sachant véritablement prendre aux tripes. Le talent comique des acteurs masculins, additionné à la gravité que parvient à imposer le jeu de Maribel Verdú, parvient également à enrober ce drame social dans une trame rocambolesque et pleine d’humour. Autant dire qu’Abracadabra profite d’une écriture baroque et chargée en surprises. Mais cette affirmation pourrait tout aussi bien s’appliquer à l’aspect esthétique du film, qui n’hésite pas à faire appel à un univers visuel bariolé, allant même parfois jusqu’à convoquer ouvertement l’héritage artistique de Pedro Almodóvar.
Le discours féministe, audacieux car présenté comme anticonformiste, qui naît de ce conte moderne, est le fruit d’un cinéaste qui maitrise son art, et n’hésite d’ailleurs pas à multiplier les clins d’œil (parfois lourdement appuyés, en particulier lorsqu’ils se font par le biais de la musique) à ses références filmiques. Le cadrage singulier de certains plans ou bien encore le caractère délirant des personnages secondaires sont autant d’autres exemples qui confirment le soin que Pablo Berger a mis dans cette comédie pas comme les autres. Au-delà du seul film de genre foutraque mais astucieux, on aimerait en tout cas voir plus souvent un tel cinéma d’auteur qui assure la caution « divertissement ».
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